Meurtres Sur Le Palatin
s'éclaira.
-
Qu'y a-t-il de tellement urgent pour vous faire courir tous les quatre jusqu'à
Subure de si bon matin ? s'enquit l'officier.
Mustella
se dressa sur la pointe des pieds pour murmurer discrètement à son oreille.
-
Un autre cadavre a été retrouvé au pied du Palatin, centurion.
Kaeso
blêmit.
-
Quand ?
-
À l'aube, centurion. Dame Hildr a été prévenue.
-
Un problème ? s'enquit Balbus, inquiet de les voir chuchoter avec des mines
tragiques.
-
Peut-être bien, répondit laconiquement le jeune prétorien en attachant une
solide laisse de cuir au collier de son léopard. Je préfère aller voir ça
moi-même.
-
Je comprends. Et... pour ce dont nous avons parlé ?
-
Occupe-t'en. Le plus tôt sera le mieux. J'attendrai de tes nouvelles.
-
Tu peux compter sur moi. Ce sera fait aujourd'hui.
Ils
se serrèrent chaleureusement l'avant-bras et Kaeso quitta précipitamment la
caserne des vigiles encadré de ses hommes.
Ils
fendirent la foule, déjà nombreuse dans les rues étroites, sous le regard
étonné des habitants et, surtout, des enfants, qui jouaient dans les caniveaux
au milieu des porcs, poules, chiens et les dieux savaient quoi d'autre.
À
l'abri d'un chariot de foin, trois chenapans taquinaient une grenouille. L'un
d'eux, un rouquin aux grands yeux rieurs, choisit dans le chariot un bout de
paille creuse, qu'il introduisit dans le derrière du petit batracien. Les
enfants soufflèrent à tour de rôle de toutes leurs forces dans la tige, faisant
gonfler les intestins de la pauvre bête comme s'il se fut agi d'un ballon.
Lorsqu'elle parut sur le point d'éclater, ils la jetèrent au milieu de la rue,
sous les sandales de Mustella.
Dans
sa hâte, le jeune homme ne remarqua rien et marcha dessus avec ses sandales
cloutées. Le batracien éclata alors avec un bruit qui provoqua des cris surpris
parmi les passants, ce qui fit hurler de rire les gamins.
-
Voulez-vous sortir de là, bande de gorets mal élevés ! les tança un homme
replet en jaillissant d'un porche, probablement le propriétaire de la
charrette. Fichez le camp ! Allez, ouste !
Comme
la plupart des passants, il dévisagea les soldats un long moment avant de
retourner vaquer à ses affaires.
Voir
des prétoriens en uniforme dans ce quartier populaire était aussi rare que des
mûres au mois de juin mais qu'il s'agisse, de surcroît, du célèbre Germain au
léopard, il y avait de quoi entretenir les conversations durant des jours !
-
Qu'y a-t-il, Matticus ? s'enquit Kaeso en entendant son second grommeler tout
en marchant d'un bon pas.
-
Je ne sais pas si c'est une bonne idée, centurion.
-
Quoi donc ?
-
De remuer toute cette boue en ce moment !
-
Précise ta pensée.
Matticus
se pencha vers lui pour que les autres n'entendent pas ce qu'il avait à dire.
-
Cette fichue taverne n'est qu'un grain dans le pressoir à merde qu'est devenue
cette ville, tu le sais très bien ! Commence à fouiller ce tas de fumier et
c'est un inextricable réseau de trafics, de corruption, de chantage, de
manigances et de crimes, que tu vas déterrer ! Des noms respectés vont être
éclaboussés, des familles brisées, des innocents sacrifiés et torturés au nom
de la vérité. Nous venons de vivre ça avec la chute de Séjan et tu veux déjà
que ça recommence ?
Kaeso
se figea au centre de la ruelle, aiguillonnant la curiosité des passants, qui
ralentissaient le pas ou s'arrêtaient carrément pour observer la scène.
-
Circulez, allez ! ordonna Mustella avec des gestes impérieux pour éparpiller
les curieux. Ne bloquez pas le passage ! Allez, allez, avancez !
Par
souci de discrétion, le jeune centurion poussa son second sous un porche et se
pencha sur lui en tournant le dos aux badauds.
-
Parce que, selon toi, il faudrait rester les bras croisés à compter les morts
et à regarder cette gangrène dévorer la ville ?
Matticus
secoua la tête et se frotta le visage, visiblement mal à l'aise.
-
Je dis seulement que nous sortons à peine d'une chasse aux sorcières et que
tout le monde a besoin de souffler un peu avant de remettre ça à nouveau !
-
Matticus, ce qui est en train de se passer n'a rien de comparable avec une
tentative de coup d'État !
-
Centurion... Tout le monde a transgressé la Loi au moins une fois. Nous avons
tous fait une partie de dés dans un coin de taverne ou parié sur quelque chose.
Personne n'est à l'abri.
-
Tu me connais assez pour savoir que ce ne sont pas ces gens qui
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