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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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les jambières ? Trempées dès la première sortie en mer, elles seraient alors plus fragiles et se déchireraient aisément sur les rochers. Si une de ses épouses n'en ôtait pas le sel, elles se raidiraient et seraient toutes craquelées. Et pour tout le soin qu'exigeraient les jambières, quelle nourriture contribueraient-elles à rapporter ? Aucune. Une femme aurait peut-être plaisir à les porter dans les collines pour cueillir des baies. Les longues herbes étaient tranchantes. Mais quel homme permettrait à une femme de porter un vêtement qu'il avait acheté contre un chigadax en peau de langue de baleine ?
    Kukutux s'assit au bord de la plage et se désintéressa de la séance de troc. Le départ des deux hommes était une bonne chose. Les Chasseurs de Baleines allaient peut-être reprendre leurs activités habituelles.
    Elle était fatiguée. La nuit précédente, quand Œuf Moucheté en eut fini avec elle, elle n'avait pas réussi à dormir. Son esprit était rempli de l'offre du vieil homme. Était-ce sincère, était-ce venu du cœur ? La voulait-il pour femme le temps qu'il resterait au village ou pour toujours ? S'il s'en allait, souhaiterait-elle l'accompagner ? Aimerait-elle se rendre de village en village, apprendre les manières des marchands ? Saurait-elle affronter les mers, seule dans un bateau avec un vieillard ? Ses pensées s'étaient muées en frayeur et elle envisagea les nombreuses façons dont Hibou et Œuf Moucheté pourraient nuire au vieil homme avant leur départ.
    Elle avait fini par se laisser aller à un sommeil peuplé de rêves pour s'éveiller au matin avec l'impression de les avoir vécus. Elle s'était rendue au puits de cuisson afin de préparer un bouillon de poisson épaissi de bulbes de pourpier dans une peau qu'elle avait ensuite accrochée aux chevrons. Après quoi, ayant empli un bol pour le vieil homme, elle s'était glissée dans sa chambre en chuchotant de peur que les commerçants ne la voient. Mais, alors que la clarté du matin envoyait de la lumière par le trou de fumée, les craintes de Kukutux s'étaient allégées et, souriant de sa bêtise, elle y avait vu des tracas enfantins.
    Elle avait nourri Hibou et Œuf Moucheté, emballé eau et nourriture et porté le tout dans leur ik. Ils étaient enfin partis, sans un mot pour le vieillard, sans un regard pour sa chambre. Kukutux les avait suivis sur la plage où elle luttait maintenant contre le sommeil qui l'envahissait.
    Elle se leva, se secoua et écarquilla les yeux. Elle aurait le temps de dormir plus tard.
    Soudain, les femmes autour d'elles se séparèrent pour laisser passer Hibou qui s'avançait vers elle.
    — Une dernière transaction, disait Hibou avec des mots qui chantaient comme la voix du Peuple Caribou.
    Il s'arrêta à côté de Kukutux et posa les yeux sur elle. Il tendit un collier, pas un des petits qu'elle avait choisis la nuit précédente et échangés avec quelque regret contre de l'huile et de la viande, mais une parure de pierres bleu pâle toutes séparées par une petite perle jaune si brillante qu'on aurait dit des morceaux de soleil roulés, percés et enfilés sur du nerf.
    — Je n'ai rien à troquer, dit Kukutux en ouvrant ses mains vides.
    Mais Hibou y déposa le collier et effleura ses mains.
    — Tu ne viendras pas avec moi, n'est-ce pas ? demanda-t-il en plongeant des yeux si intenses dans les siens que Kukutux soutint son regard. Je ne voyage pas toujours. J'ai une bonne demeure et j'ai besoin d'une épouse.
    Le souvenir du plaisir qu'elle avait éprouvé entre les mains de Hibou surgit, mais elle tourna les yeux vers l'île des Chasseurs de Baleines, vers les collines au-delà de la plage ; les montagnes qui se dressaient dans leurs robes de nuages, ceux avec qui elle avait vécu. Un chagrin lourd et immense monta dans sa gorge. Comment quitter tout cela ? Que savait-elle de cet homme ?
    Elle songea à Waxtal. Si elle partait, peut-être ne partagerait-il pas ses pouvoirs avec les Chasseurs de Baleines. Peut-être que, courroucé, il n'éloignerait pas la malédiction qui frappait sa tribu.
    — Je ne peux pas, dit-elle enfin.
    Elle ôta ses mains de celles de Hibou, mais il prit le collier, large cercle de perles bleues, le passa lentement au-dessus de la tête de Kukutux puis caressa avec douceur son suk en fourrure de loutre.
    — Il t'appartient, dit-il calmement avant de se retourner.
    Quand ils poussèrent leur ik dans la mer, Kukutux quitta la plage et

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