Mon frère le vent
enfin Œuf Moucheté.
Les muscles du cou de Kukutux se raidirent et une douleur surgit derrière sa tête, mais elle garda le visage immobile, sans un sourire, sans un froncement de sourcils.
— Alors combien de viande séchée ?
Œuf Moucheté serra les dents et secoua la tête.
— Rien ? s'exclama Kukutux en riant de nouveau. Je ne mange pas de colliers.
Elle se pencha sur Œuf Moucheté et fit glisser les colliers sur ses genoux.
— Alors ils sont à toi.
Sur quoi elle alla s'asseoir en leur tournant le dos.
Elle sentait leurs yeux sur elle. Elle guettait, attendait. Sa peau se hérissa et elle serra les coudes pour les empêcher de trembler. Elle s'obligea à ne pas les affronter. Que suis-je contre deux hommes ? Comment puis-je lutter s'ils décident de me prendre ? Pourtant, elle ne bougea pas. L'ulaq était si tranquille qu'elle entendait sa propre respiration.
— Un, lança Œuf Moucheté dont la voix forte fit sursauter Kukutux.
Elle le regarda par-dessus son épaule.
— Un ventre de phoque d'huile, précisa-t-il.
— Pour vous deux ?
— Vaux-tu davantage ? demanda Hibou.
Kukutux se leva et fit face aux deux hommes.
— Je valais deux colliers il n'y a pas si longtemps. Vous êtes des marchands. Vous savez ce que valent vos colliers. Pourquoi me le demander ?
— Deux ventres de viande séchée, dit Hibou.
— Deux ventres de phoque d'huile et trois de viande séchée.
— Un de viande, un d'huile, fit Hibou sans regarder Œuf Moucheté qui siffla entre ses dents.
— Qui commence ? demanda Kukutux.
51
Kukutux passa les mains sur les douces fourrures qui jonchaient le sol de la chambre de Hibou.
— Je te donnerai l'huile et la viande même si tu décides de ne pas venir dans mon lit, dit Hibou. Mais je ne puis parler pour mon frère.
— Je ferai comme j'ai promis, répondit Kukutux.
Elle coula un regard en coin à Hibou puis détourna
les yeux. Il avait un regard intense et elle sentait sa puissance, comme s'il la touchait depuis l'autre bout de la chambre. Elle commença à dénouer les ficelles qui retenaient ses tabliers mais il secoua la tête et dit :
— Allonge-toi sur le ventre.
Kukutux le regarda avec étonnement mais il lissait ses robes de nuit comme l'aurait fait une femme. Kukutux se baissa, muscles noués. Puis les doigts de l'homme furent sur son dos, lui frottant les épaules en cercle. Elle se détendit.
— Tu travailles dur, lui dit-il.
Kukutux fut tellement surprise d'entendre de telles paroles qu'elle faillit éclater de rire.
— Qui ne travaille dur — homme, femme ou enfant ? demanda-t-elle.
— Waxtal ne travaille pas dur, Kukutux. N'oublie pas. Tu es une femme au cœur tendre. Rappelle-toi bien ceci : tout le monde ne mérite pas ta compassion. N'as-tu pas eu assez de chagrin dans ta vie ?
— Que sais-tu de mon chagrin ?
Les mains de Hibou s'immobilisèrent.
— Tu crois que je ne peux voir ta tristesse ? Mais tu es forte. Un homme serait bienheureux de t'avoir pour femme.
Kukutux roula sur le dos pour regarder Hibou dans les yeux.
— Cela fait assez longtemps, lui dit-il alors. Tu peux aller rejoindre mon frère si tu le désires.
— Non. Je tiendrai ma promesse.
Hibou inspira profondément et se pencha pour dénouer les tabliers de Kukutux. Il la toucha de ses doigts tremblants. Puis il caressa son ventre, ses seins, la douceur de la peau entre ses cuisses. Il lui ouvrit les jambes et remua au-dessus d'elle, sans cesser de la caresser.
Il enserrait ses épaules sans cesser de bouger.
Kukutux n'avait pas eu d'homme depuis la mort de son mari et une partie de son corps voulait s'élever dans les bras de Hibou, trouver du plaisir à le sentir bouger en elle. Mais quelque chose gémissait dans son cœur, trahissait son chagrin, ramenant ses pensées au chasseur avec qui elle avait partagé tant de nuits.
Sa peau se souvint des caresses de Galet Blanc — de la douceur de ses grandes mains. Aussi resta-t-elle impavide, repoussant tout plaisir. Et si elle enveloppa de ses bras et de ses jambes le corps vigoureux de Hibou, elle se sentit raide et froide, comme si elle demeurait à l'écart, observant une autre femme.
Hibou se tendit, serra Kukutux contre sa poitrine ferme puis se relâcha, s'affaissant de tout son poids sur elle. La sueur entre leurs corps piqua la peau de Kukutux, mais elle ne bougea que lorsque le souffle de l'homme se fit profond et qu'elle le sut endormi. Alors, elle le repoussa doucement sur
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