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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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retourna dans son ulaq. Elle resta debout sur le toit à regarder la ligne sombre du bateau entre les vagues.
    53
    Waxtal s'approcha du rideau et fureta dans l'espace étroit qui le séparait du mur. La femme était revenue. Il l'observa sortir des chambres des commerçants nattes d'herbe et bruyère de camarine.
    Il rampa dans la pièce principale, se releva, s'étira, redressa les épaules et leva les bras au-dessus de sa tête. La femme le regarda avec un petit sourire qui ne dévoilait pas ses dents.
    — Ils sont partis ? s'enquit-il.
    — Oui, répondit-elle gentiment.
    Elle posa la main sur sa poitrine et Waxtal remarqua qu'elle portait le collier qu'il admirait depuis longtemps, avec de minuscules perles dorées à peine plus grosses que le coin de l'œil et des pierres de ce bleu-vert si particulier de la mer. Hibou lui avait raconté que ce collier avait appartenu à de nombreux commerçants et était passé de main en main au cours d'un voyage depuis quelque terre vers le sud ; aussi portait-il la bénédiction du soleil.
    — C'est Hibou ?
    — Oui, répondit la femme en détournant les yeux.
    Elle donnait l'impression de voir au-delà de l'ulaq,
    d'autres choses, peut-être d'autres temps.
    — Tu dois lui avoir donné une bonne nuit ! s'es-claffa-t-il.
    Waxtal pensa que la femme sourirait, mais elle se contenta de hausser les épaules, ce qui le mit en colère. Du coup, les lèvres serrées, le ton durci, il lança :
    — As-tu réfléchi à ce que je t'ai demandé ?
    — Tu affirmes détenir des pouvoirs, répondit la femme dont le regard semblait transpercer sa peau et sa chair pour atteindre son âme.
    — Tu as vu mes sculptures.
    — Oui.
    Pensait-elle avoir besoin d'en savoir plus sur ce que révélaient ses sculptures ?
    — Il y a beaucoup de pouvoir dans cette sculpture, dit Waxtal.
    Qu'ajouter ? Il était marchand et sculpteur, peut-être déjà chaman. Quel homme, béni de la vision qu'il avait reçue, ne se considérerait comme chaman ?
    — Cette sculpture est bonne, dit la femme, mais que fait-elle pour mon peuple ? Supprimera-t-elle le mauvais sort ? Nous ne voyons toujours pas de baleines et maintenant que les loutres sont là, elles prennent nos oursins. Certains des plus âgés parlent déjà de se donner aux esprits du vent l'hiver prochain afin qu'enfants et chasseurs aient davantage à manger.
    Waxtal eut un haussement d'épaules. A quoi s'attendait-elle ? Pourquoi s'inquiéter de quelques vieillards ?
    Il tendit le bras et désigna la cache de nourriture mais, ce faisant, s'aperçut que depuis son jeûne, ses mains avaient changé, les veines saillaient sous sa peau, les jointures avaient épaissi, les doigts s'étaient recourbés.
    — J'ai faim, dit-il en s'asseyant et en croisant les bras.
    Il entendit alors un murmure venu de sa chambre. C'était la défense :
    « Tes mains sont celles d'un vieillard. »
    — Mes mains sont les mains d'un sculpteur, rétor-qua-t-il. Sans elles, tu serais incapable de parler.
    Et il tourna la tête pour que ses yeux ne trahissent pas ses pensées.
    « Ces Chasseurs de Baleines, que savent-ils de la sculpture ? demanda la défense. Ils pensent que tu es vieux. Ils te diront de te donner aux esprits du vent. Tu dois quitter cet endroit. »
    La femme lui tendit un bol de bouillon qu'il porta à ses lèvres, oubliant tout le reste.
    — Que feras-tu pour nous aider ? réitéra la femme. Tu n'es plus jeune. Peux-tu encore chasser ?
    Si les mots parvinrent à ses oreilles, Waxtal eut du mal à croire qu'elle les avait prononcés. Quelle femme oserait insulter un homme, surtout un sculpteur, un marchand, un chaman ?
    — Femme ! éructa-t-il.
    Mais le mot était si énorme qu'il se bloqua dans sa gorge.
    Waxtal commença à s'étouffer, ce qui n'empêcha pas la femme de poursuivre.
    — Je suis Kukutux. Peut-être que dans ta tribu il est poli d'appeler quelqu'un « femme ». Je serais honorée de t'appeler « vieillard ».
    Waxtal toussa, reprit enfin sa respiration puis, essuyant les larmes de ses yeux, il reprit :
    — Appelle-moi Waxtal.
    Il se rappela ce qu'il avait appris en étant le mari de Coquille Bleue : si une femme avait besoin de craindre son mari, il était un temps pour les paroles douces.
    Il reposa son bol en disant d'une voix tranquille :
    — Comment pouvais-je savoir ton nom ? Tu ne me l'as pas dit et les marchands, furieux de mes visions, ont refusé de me parler ces derniers jours. A ton avis, pourquoi ont-ils

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