Mon frère le vent
mes sculptures et dans mes chants. Mes pouvoirs ne sont pas immenses, mais tu as sauvé ma vie et celle de mon fils. Je vais essayer d'aider ta femme avec ses bébés. Tu dois rapporter suffisamment de phoques pour que Petite Plante ait de l'huile pour deux hivers.
— Je suis un bon chasseur.
— Alors fais ce que je te dis. Pour un fils.
Petite Plante s'agenouilla près de Kiin, l'entoura de ses bras et chuchota à son oreille des paroles de gratitude.
— Je vais essayer, je vais essayer, murmura Kiin à
son tour, soudain affolée à l'idée de se revendiquer plus qu'elle n'était, craignant que tout pouvoir l'abandonne.
Aigle partit d'un grand rire, se leva, prit sa femme qui n'avait pas encore rangé l'eau, et la porta dans une chambre.
Kiin installa Shuku sur ses genoux, releva son parka pour qu'il puisse téter. Les petits bruits de Shuku étaient couverts par Aigle qui faisait l'amour bruyamment. Kiin sourit. Aigle avait dit que la plage des Commerçants n'était qu'à quelques jours en ikyak. Peut-être qu'à la prochaine pleine lune elle verrait Samig et serait de retour parmi les siens. Son cœur tressauta de joie. Mais, se rappelant sa promesse à Aigle, elle fit monter ses prières aux esprits, les suppliant de ne pas être courroucés. En elle, une voix murmura : « Tu n'as pas revendiqué plus que tu n'es, toi qui chantes, toi qui sculptes. Ces pouvoirs ne sont-ils pas aussi grands que le prétend le Corbeau ? »
Alors, Kiin se mit à penser à un air et, comme si l'espoir et la joie raffermissaient sa voix, elle se transforma aisément en un chant pour la force, un chant pour l'espoir, un chant puissant pour Petite Plante.
66
Chasseurs de Morses
Baie de Bonne-Nouvelle, Alaska
— Un campement bref. Rien que pour la nuit, dit le Corbeau.
Renard Blanc et Oiseau Chante remontèrent Fik sur le camp de la plage aux saumons, mais le Corbeau s'éloigna, s'enveloppa dans son manteau de plumes et longea la plage pour en étudier les traces de marées et les débris laissés par les vagues. Il avançait à grands pas jusqu'au moment où il fut trop loin pour que les hommes lui demandent de l'aide. Ils avaient amené avec eux la femme d'Oiseau Chante. Elle était vigoureuse. Le Corbeau avait besoin de temps pour réfléchir à son plan.
D'abord, une courte halte dans leur village pour débarquer les marchandises et prendre Kiin. La femme d'Oiseau Chante ne nourrissait pas et si le Corbeau se rendait au village Ugyuun pour y acheter un bébé, il lui fallait quelqu'un pour le nourrir. Un bébé n'était pas comme un paquet de marchandises qu'on échangeait avant de le remiser dans un bateau jusqu'à en trouver l'utilisation. De surcroît, il en voulait un en bonne santé, pas un petit affamé qui mourrait avant qu'il n'ait pu le ramener à Dyenen. Kiin était pleine de sagesse. Elle saurait lui dire quel bébé était bien portant, quel autre non. Et elle ne parlait pas la langue Rivière, ce qui constituait un avantage. Quand elle aurait appris cette langue et dit à Dyenen que le bébé Ugyuun n'était pas véritablement son fils, le Corbeau connaîtrait déjà les secrets du vieux chaman. Or, une fois donnés, les secrets ne pouvaient être repris. Mais le Corbeau devait en premier lieu réfléchir au moyen de persuader Kiin de l'accompagner.
Si Kiin avait été comme Queue de Lemming, il aurait pu lui raconter qu'ils se rendaient sur la plage des Commerçants pour qu'il la rende à l'homme Samig, mais elle était différente. Kiin saurait, par le soleil et les étoiles, dans quelle direction ils voyageaient. Peut-être pourrait-il lui promettre les pouvoirs spirituels ou l'honneur pour ses sculptures. Mais chacune de ces idées lui laissait comme un malaise dans la poitrine. Kiin était revenue avec lui au village Morse dans le seul but de sauver Samig. Que lui offrir qui ait autant de valeur ? Peut-être la promesse de la rendre à son peuple au bout d'un an. Mais le croirait-elle ?
Soudain, il eut la réponse — Shuku. Le Corbeau avait promis Shuku à Dyenen, n'est-ce pas ? Ce serait à Kiin de choisir si elle voulait accompagner son fils ou rester chez les Chasseurs de Morses.
La femme d'Oiseau Chante, dont la voix aiguë s'éleva en un cri étrange, arracha le Corbeau à ses pensées. Il se retourna pour la voir agiter les mains en tous sens et se diriger vers une pile de bois flotté en haut de la plage.
Oiseau Chante et Renard Blanc abandonnèrent le kayak pour la rejoindre. Renard
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