Mon frère le vent
interrompue. .
— Oui. Samig, des Premiers Hommes.
— Tu les connais, ajouta Petite Plante pour son mari. Ils habitent la plage des Commerçants.
Aigle s'éclaircit la gorge puis mit ses mains en coupe devant lui et regarda sa femme. Petite Plante se leva et se rendit dans le coin où Kiin et elle avaient suspendu la peau de cuisson pour la nuit. Elle prit un bol de bois, l'emplit de viande et de tiges d'ugyuun et le donna à Aigle. Il mangea goulûment.
— Si tu ne veux pas retourner près de lui, j'ai besoin d'une deuxième femme, fit Aigle, la bouche pleine. Celle-ci est une bonne épouse, mais ses bébés ne sont pas forts. Ils ne vivent pas.
Du coin de l'œil, Kiin vit Petite Plante baisser la tête en hâte et se détourner comme pour nier les paroles de son époux.
— Souvent, commença Kiin avec précaution, les enfants meurent au cours des hivers rigoureux. Une mère ne peut porter suffisamment de lait si elle n'a pas assez à manger.
Aigle prit une nouvelle bouchée et ne répondit rien. Kiin poursuivit donc.
— Les chasseurs doivent rapporter suffisamment de phoques, pas seulement pour le jour qu'ils sont en train de vivre, mais afin que les femmes puissent engranger de l'huile et de la viande séchée pour les lunes hivernales où la glace maintient les ikyan à terre et où le vent garde les chasseurs dans leur ulaq.
— Les femmes, ici, elles pèchent, dit Aigle. Elles
font sécher le poisson pour l'hiver. Nous avons de quoi manger.
Kiin inspira profondément avant de remarquer :
— Le poisson ne suffit pas à donner du bon lait aux femmes. Il leur faut de l'huile et de la viande, c'est-à-dire de la graisse.
Aigle pointa vers elle son bol et son menton.
— Et tu sais cela parce que tu es chamane ?
— Je sais cela parce que je suis une femme qui a nourri des bébés. Toutes les mères avec des bébés connaissent la faim, un besoin d'huile et de graisse.
L'homme plissa de nouveau les yeux.
— Tu as un autre enfant ?
— Un fils qui est sur la plage des Commerçants avec son père.
Aigle hocha la tête. Il regarda Kiin jusqu'à ce qu'elle croise son regard.
— Si tu veux rentrer, je te conduirai à ton mari. La plage des Commerçants n'est qu'à quelques jours d'ici.
II racla le dernier bout de viande, lécha le bol qu'il tendit ensuite à Petite Plante. Elle le posa sur la pile de récipients qui envahissait le sol devant la cache de nourriture.
— Il me donnera sans doute quelque chose pour t'avoir ramenée, commenta Aigle avant de roter longuement.
Il regarda sa femme, toujours près de la réserve.
— C'était bon, lui dit-il en se tapotant le ventre. Si tu es chamane, tu as des pouvoirs et tu sais parler aux esprits.
Kiin baissa la tête et se contenta d'acquiescer.
— J'ai entendu des récits concernant deux vieilles femmes, deux sœurs, qui étaient autrefois des Premiers Hommes et qui vivent maintenant chez les Chasseurs de Morse. On dit qu'elles sont chamanes. Tu les connais ?
— J'en ai entendu parler, répondit Kiin prudemment.
— Le peuple Morse, fit Aigle. Un de leurs villages n'est pas bien loin. Parfois, leurs marchands viennent ici après être passés sur la plage des Commerçants.
Aigle rota encore, mais bientôt il eut un hoquet violent et sonore. Petite Plante finit par lui apporter de l'eau et resta à côté de lui pendant qu'il buvait puis lui tapa dans le dos jusqu'à ce qu'il se calme.
Aigle tendit l'eau à Kiin, mais elle refusa. Aigle haussa les épaules et rendit la vessie à sa femme qu'il saisit par le poignet.
— Cette femme, il lui faut un enfant, s'exclama Aigle. J'ai trouvé ton sac. Je sais ce qu'il contient — pas ce que transporte une femme. Il y a des couteaux, comme en utilisent les hommes, et des animaux de bois et d'ivoire.
Voyant qu'il s'interrompait, Kiin dit :
— Je sculpte.
Aigle hocha la tête et une lueur éclaira ses yeux. Kiin frémit. Cet homme, comme le Corbeau, tenterait-il de la retenir pour ses sculptures ?
— Si tu es chamane et que tu sculptes, peux-tu faire quelque chose pour donner de la force à l'enfant de ma femme ?
Debout près de son époux, Petite Plante posa la main sur son ventre.
— Tu attends un enfant ? demanda Kiin.
— Pas encore, mais les enfants viennent facilement en mon sein. Ils ne vivent pas jusqu'au printemps.
Kiin planta les yeux dans ceux d'Aigle.
— Je ne suis pas chamane de la même manière que la plupart des chamans. Ma force réside dans
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