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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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un moment le ciel s'assombrir vers la nuit. Il avait placé les défenses de morse dans le fond de son ikyak et tendait la main pour caresser la surface douce et fraîche de l'ivoire.
    Demain, se dit-il, demain je sculpterai. Tout en laissant courir ses doigts sur les défenses, il avait l'impression de sentir la voix de la sculpture vibrer en un murmure sous ses doigts.
    — Waxtal n'ira pas loin, dit Samig en regardant les hommes assis en un cercle étroit autour de la lampe dans l'ulaq de Kayugh. Nous devons nous assurer qu'il ne reviendra pas voler de la nourriture et de l'huile.
    — Poursuivrons-nous les commerçants ? s'enquit Premier Flocon. Peut-être accepteraient-ils de nous rendre un peu de l'huile volée par Waxtal.
    — En quel honneur ? demanda Kayugh. D'ailleurs, il nous faudrait trop de jours pour les trouver, peut-être une lune entière. Il y a des chances qu'ils aient déjà tout vendu. Chasser sera plus utile.
    — Nous avons perdu de l'huile, intervint Longues Dents. Quelle importance ? Nous rapporterons assez de phoques et de lions de mer pour remplir nos réserves.
    Il étendit ses grands bras devant lui et fit craquer ses jointures. Ce geste, que Samig lui avait souvent vu faire, était toujours signe d'inquiétude.
    — Quelle tribu chasse mieux que nous ? remarqua Premier Flocon. Nous rapportons plus de phoques que n'importe laquelle. Et Samig chasse la baleine. Parmi tous les chasseurs, Samig est le plus grand. Qui peut l'égaler?
    Samig ouvrit la bouche pour protester mais saisit le bref signe de tête de son père et l'avertissement de ses yeux. Les hommes avaient besoin de la confiance que procurent les louanges. Alors, Samig éleva la voix au-dessus des murmures d'approbation :

— Je crois me rappeler un jour où quelqu'un a ramené trois lions de mer. Je crois me rappeler le chant de gloire que les femmes ont entonné ce jour-là.
    Ce fut alors le tour de Premier Flocon de baisser les yeux, reconnaissant les félicitations de Samig, tandis que Longues Dents et Kayugh lui donnaient une bourrade sous le regard souriant de Petit Couteau.
    Mais le rire s'estompa. Kayugh et Premier Flocon gardaient les yeux fixés sur la lampe, comme si la flamme allait résoudre leur problème. Longues Dents lissa une pointe de lance à l'aide d'une pierre ponce et Petit Couteau murmura un chant que Samig avait souvent entendu lorsqu'il vivait chez les Chasseurs de Baleines.
    Nous cinq, songea Samig. Cinq hommes pour rapporter de la viande pour quatre femmes et nos bébés : Mésange, les deux fils de Premier Flocon et mon Takha. Combien d'huile nous faut-il ? Neuf, dix ventres de lion de mer par personne ? Et il faut la graisse d'au moins quatre phoques, voire cinq, pour remplir un ventre.
    C'est alors qu'un esprit lui murmura : « Où trouveras-tu autant de phoques à pareille époque de l'année ? Et en admettant que tu y arrives, comment les chasseras-tu?»
    Samig posa les yeux sur sa main puis détourna le regard. Oui, il lançait mieux, mais il avait encore des progrès à accomplir.
    « C'est toi qui as conduit ton peuple ici, insista le même esprit importun. Ton père voulait demeurer dans les îles. Il s'est écarté pour te donner ta place de chef des chasseurs et voilà qu'au cours de ton premier hiver à la tête de ton peuple, tu le verras mourir de faim. »
    Le rire de Premier Flocon arracha Samig à ses sombres pensées. Il s'aperçut que Longues Dents racontait des blagues et parlait d'un chasseur et de deux femmes. Malgré sa joie de les entendre, il ne parvint pas même à sourire.
    — Demain, donc, dit Kayugh.
    Chagak regarda les hommes quitter l'ulaq. Ses doigts s'attardèrent sur son fils Samig. Kayugh se tourna vers elle d'un air grave.
    — Tu les mènes bien, dit-elle pourtant.
    — Samig les mène.
    Chagak haussa les épaules.
    — Et quand ton propre fils mène, tu crois n'y être pour rien ?
    Kayugh s'accroupit près d'elle mais Chagak prenait garde à ne pas le toucher. Les animaux marins étaient parfois jaloux des épouses. Une odeur de femme sur les mains d'un chasseur pouvait les courroucer. Et qui pouvait dire ce qu'un ikyak ressentait, dehors dans le froid pendant que le chasseur jouissait de la chaleur du lit de son épouse ? La nuit précédant une expédition de chasse, il était préférable que l'homme dorme seul.
    — Ce ne sera pas une saison facile, remarqua Kayugh.
    — Nous en avons connu d'autres. Te rappelles-tu quand Samig et son frère avaient

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