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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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le commerçant.
    — Non, et tu n'en trouveras nulle part de semblables. L'homme qui les a faites fut autrefois le mari de ma fille.
    — Elle l'a quitté pour le chaman.
    — Non.
    — Alors il l'a vendue au chaman ?
    — Alors il est mort.
    — Et tu t'en déferais ? s'étonna le commerçant.
    — Contre trois défenses.
    — Une.
    Waxtal tendit la main vers le panier. Les doigts du marchand se resserrèrent.
    — Cinq ventres d'huile, quatre sculptures et le panier de pointes de harpon contre deux, dit le commerçant d'une voix définitive.
    — Trois.
    — Deux.
    C'était la dernière offre. Waxtal le comprenait à la dureté du visage de l'homme. Il avait les quatre ventres d'huile pris dans la réserve de Kayugh et s'il en prenait un dans la sienne... Il pensa à l'hiver, long, sans suffisamment de nourriture. Nous n'avons pas de bébés, se dit-il. Et je chasserai encore avant l'hiver. Coquille Bleue peut pêcher. Nous aurons assez.
    — J'apporte l'huile, dit Waxtal.
    14
    Chagak prit le ventre de lion de mer dans la réserve. Voilà trois jours que les commerçants étaient repartis et tous les hommes, même Waxtal, chassaient. Ils rentreraient peut-être aujourd'hui avec des lions de mer, pria-t-elle. Elle leva la tête afin que son souffle fasse monter ses prières. Peut-être le vent porterait-il les mots à la fin d'un voyage de plusieurs jours, jusqu'à la montagne sacrée Aka. Ou à Tugix, si Aka n'avait plus de pouvoir après avoir craché sa colère de fumée et de feu.
    Prenant le ventre de lion de mer, elle s'aperçut que ses mains étaient pleines d'huile, pas juste un peu à cause de la fine couche qui recouvrait toujours l'extérieur des conteneurs, mais assez pour qu'elle dégouline de ses doigts. Elle s'empara d'une autre outre, puis d'une autre.
    Elle entendit alors quelqu'un au sommet de l'ulaq et se retourna pour voir Baie Rouge descendre par le tronc d'arbre. Son fils, encore nourrisson, faisait une grosse bosse sous son suk. Son autre fils, qui avait maintenant plus de deux étés, était sanglé à sa hanche.
    — Mère, que fais-tu ? demanda Baie Rouge en posant Petit Galet sur le sol.
    Chagak fouilla dans un panier de morue séchée et tendit un morceau au petit garçon.
    — Mésange est dans sa chambre. Va partager avec elle, ordonna-t-elle.
    Le petit fila en hâte et Chagak sourit à Baie Rouge tandis qu'elles entendaient les enfants babiller.
    — Regarde-moi ça, dit Chagak en levant ses mains.
    Baie Rouge ôta son suk et posa le bébé par terre.
    — Est-ce qu'un des conteneurs s'est déchiré ?
    — On dirait, répondit Chagak en se penchant dans la réserve pour en sortir un autre. Ce n'est vraiment pas le moment, pourtant. Nous possédons si peu.
    — Les commerçants nous ont sans doute fourni des conteneurs de mauvaise qualité, suggéra Baie Rouge.
    Elle s'accroupit près de Chagak et s'empara d'un des ventres de phoque.
    — Celui-là n'est pas plein, mère. Regarde. Pourtant, il est bien fermé.
    Elle passa les mains sur le flanc de l'outre.
    — Aucune entaille. Tout est parfait. Mais ils ne nous ont pas donné des mesures pleines.
    Elle le reposa et regarda sa mère en prendre un autre.
    — Baie Rouge, dit Chagak avec lenteur, celui-ci n'est pas plein non plus. Or je l'ai rempli moi-même.
    Elles les soulevèrent l'un après l'autre. Baie Rouge trouva enfin celui qui fuyait. Il avait quelque chose pour stopper la fuite.
    — Il n'y en a pas un de plein ! s'écria Baie Rouge. Crois-tu que les commerçants aient pris ce que nous ne voulions pas céder ?
    — Ils n'ont jamais été seuls ici.
    — Alors qui ?
    Chagak secoua la tête. Qui ? Vint alors la voix de la loutre, douce et insistante. « Waxtal. Qui d'autre est assez sot pour voler ce qui lui appartient déjà ? »
    Chagak ferma les yeux et attendit que sa colère passe avant de parler.
    — C'est Waxtal, dit-elle enfin. Coquille Bleue m'a raconté qu'il voulait absolument les défenses d'ivoire que les commerçants avaient fixées au fond de leur ik. Il doit avoir volé notre huile pour l'échanger.
    Elle se mordit les lèvres et demeura un long moment sans parler. Puis, tranquillement, elle dit :
    — Kayugh lui a donné les têtes de lance en pierre verte de ton frère.
    — Celles d'Amgigh ?
    Chagak fit signe que oui. Dans son esprit, elle se retrouva soudain jeune femme. La douceur du souffle d'Amgigh bébé contre sa peau. Les années avancèrent et elle le vit petit garçon en

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