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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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Pleure. La femme s'assit en tailleur sur une natte près de la lampe à huile et Kukutux s'installa à ses côtés.
    — Tu devrais en manger un peu, commenta Elle Pleure.
    Kukutux refusa d'un signe.
    — Je n'ai pas pitié de toi, Kukutux, insista Elle Pleure. Dans notre village, toutes les femmes ont perdu mari ou enfants, père ou mère. Pourtant, c'est toi qui portes les cicatrices de deuil. Tu n'aurais pas dû te couper les cheveux, ajouta-t-elle en pointant le menton dans sa direction. Comment feras-tu pour trouver un autre époux maintenant que te voilà si laide ? Sans compter ton bras.
    — Je suis suffisamment solide, rétorqua Kukutux en plaçant son coude gauche dans sa main droite. Et les cheveux, ça repousse. J'avais un bon mari. J'ai choisi de l'honorer. Peu m'importe ton opinion ou celle des autres.
    Elle Pleure ricana. Elle avala plusieurs bouchées puis lança :
    — Comment pouvons-nous t'aider si tu ne fais aucun effort ?
    — Je n'ai rien demandé.
    Elle Pleure cligna les paupières, leva le menton et dit :
    — Je ne suis pas venue me disputer avec toi. Chasseur de Vent m'a demandé de t'avertir qu'il était enfin arrivé une bonne chose dans ce village, dit-elle en se tapotant le ventre. Je porte un enfant. Un fils, j'en suis sûre.
    Kukutux s'obligea à sourire et faillit demander si c'était l'enfant de Chasseur de Vent. Qui ignorait que Elle Pleure, dans sa recherche d'un remplaçant au frère mort de Kukutux, avait couché avec presque tous les chasseurs du village ? Mais pourquoi échanger grossièreté pour grossièreté ?
    — Je suis heureuse pour toi et Chasseur de Vent, dit-elle donc. J'espère comme toi que ce sera un fils, si tel est ton désir.
    Elle Pleure leva les sourcils.
    — Tu sais que son autre épouse ne lui a donné que des filles et toutes sont mortes sauf Neige-dans-les-che-veux. Je lui ai promis un fils. Neige-dans-les-cheveux sera une aide précieuse. Elle est presque en âge de se marier. Chasseur de Vent dit que le plus jeune fils de Pieds Rouges la veut.
    — C'est encore un gamin.
    — Assez vieux pour chasser. D'ailleurs, Chasseur de Vent affirme qu'il s'arrangera pour qu'il vive avec nous. Cela fera deux chasseurs dans notre ulaq.
    — Parfait, commenta Kukutux. Vous ne manquerez pas de viande.
    Elle Pleure se redressa. C'était une petite femme aux yeux ronds et minuscules et aux jambes maigrichonnes. Kukutux trouvait qu'elle ressemblait à une mouette tri-dactyle avec son bec pointu, son air vif.
    — Même si les choses se passent ainsi, ne t'imagine pas que nous pourrons f aider, protesta Elle Pleure. Chasseur de Vent dit que comme ton frère est mort, tu n'es plus ma sœur. Il dit que nous ne te devons rien, mais c'est un homme bon. Il dit que tu es toujours autorisée à pêcher avec moi dans mon ik et qu'il te donnera une portion de veuve — double ration — de son prochain lion de mer. Mais n'en demande pas plus. Je dois manger suffisamment pour que ce fils soit sain et vigoureux, ajouta-t-elle en se tapotant de nouveau le ventre.
    Kukutux avait envie de dire à Elle Pleure de quitter son ulaq, qu'elle n'avait pas besoin de la viande du prochain lion de mer de Chasseur de Vent, mais elle se rappela le conseil de sa mère : « La femme stupide se coupe le pouce pour punir sa main. » Aussi Kukutux remercia-t-elle Elle Pleure puis s'assit et écouta poliment la femme l'admonester pour ses nombreuses fautes.
    19
    P remiers H ommes
    Baie de Herendeen, péninsule d'Alaska
    Le son arracha Samig à ses rêves et, d'abord, il ne sut plus où il était. Il sentit alors le souffle doux de Trois Poissons, vit sa silhouette dans les ombres de la chambre. Le son reprit, un appel, une tristesse dans la voix ; Samig ne savait s'il s'agissait d'un animal ou d'un esprit. Il enfila son parka et grimpa hors de l'ulaq sur le toit de gazon.
    Cela recommença — un long cri semblable au chant de deuil d'une femme. La lune était ronde dans le ciel, offrant de la lumière qui permettait à Samig de voir comme en plein jour. La voix appela de nouveau. Kayugh, Longues Dents et Premier Flocon parurent à leur tour.
    Une deuxième, puis une troisième voix se joignirent à la première, s'entremêlant, tordant les appels en un seul chant.
    — Cela ne vient pas de la mer, remarqua Premier Flocon.
    Kayugh pointa le doigt en direction des collines derrière les ulas.
    — Des loups. Je n'en ai pas entendu depuis ma jeunesse.
    Samig les distingua alors. Leur

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