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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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plus je tirerai de mon troc avec le Peuple des Rivières, et je te donnerai une part de ce que j'obtiendrai.
    » Toi, dit-il en pointant du doigt vers Queue de Lemming. J'ai besoin d'une nouvelle paire de jambières.
    Queue de Lemming croisa les bras et affronta le Corbeau, mâchoire serrée.
    — Tu crois que je n'ai rien de mieux à faire qu 'à coudre des jambières ?
    — Tu préférerais passer ton temps dans les demeures des autres hommes et faire honte à ton mari, rétorqua le Corbeau.
    — J'ai un nouveau fils. Tu imagines qu'après avoir veillé toute la nuit avec lui je peux travailler toute la journée pour toi ?
    Le Corbeau saisit Queue de Lemming par le,; cheveux.
    — Tu ne veux pas que je parte ? Tu ne veux pas que je te rapporte des colliers et des peaux de caribou ?
    Il tira sur sa main et ses doigts se prirent dans les nœuds près de ses oreilles.
    Queue de Lemming frémit et saisit le poignet de son mari, lui enfonçant les ongles dans la peau.
    Le Corbeau libéra sa main.
    — Tu es mon épouse, tu obéiras.
    — Sinon ?
    — Je t'emmènerai avec moi pour t'échanger avec le Peuple des Rivières.
    — Tu vendrais ton fils ? demanda Queue de Lemming en ourlant sa lèvre supérieure pour dévoiler ses dents.
    — Pourquoi le ferais-je ? en secouant la main pour en ôter les cheveux. Kiin a du lait. Elle peut le nourrir. Kiin est meilleure mère que toi.
    Le souffle de Kiin siffla sur ses dents. A quoi bon dresser Queue de Lemming contre elle, d'autant que le Corbeau partirait bientôt pour son voyage printanier ?
    Queue de Lemming hurla et, incurvant ses mains en griffes, visa les yeux du Corbeau. Il la saisit par les poignets et lui tordit les bras, l'obligeant à s'agenouiller. Le bébé de Queue de Lemming, blotti dans un berceau accroché aux chevrons, se mit à pleurer.
    — Je préférerais appartenir au Peuple des Rivières qu'à toi, s'exclama la jeune femme d'une voix perçante, ses paroles couvrant les pleurs de son fils. Du moins traitent-ils leurs femmes correctement.
    — Que sais-tu du Peuple des Rivières ? s'enquit le Corbeau avec des mots dans lesquels Kiin perçut la colère.
    — Plus que certains.
    — Parce que tu dors dans les lits de commerçants tu crois les connaître. Quel doit être le savoir d'une femme pour ouvrir les jambes à un homme ?
    Kiin leur tourna le dos et alla s'installer dans le coin où elle remisait ses sculptures. Elle avait entendu trop souvent Queue de Lemming et le Corbeau se quereller.
    Pourquoi écouter maintenant ? Elle s'installa près de lu lampe à huile et ouvrit le couvercle à coulisse de son panier à sculpter.
    Au début de son retour au village Morse, Kiin n'avait sculpté que des bouchons pour les ventres de phoque ou des hameçons dans des coquilles de moules.
    Comment oublier que ses sculptures avaient donné do la force au Corbeau dans son combat contre Amgigh ? Peut-être que si elle n'avait pas sculpté ces animaux, Amgigh serait toujours vivant et elle vivrait avec sori propre peuple, pas comme femme de Samig, mais du moins suffisamment près de lui chaque jour pour entendre son rire, prier pour sa sauvegarde lors de chaque expédition de chasse. Et elle aurait son fils Takha.
    En outre, à chaque fois qu'elle ramassait un bout de bois ou un morceau d'ivoire — même si elle y voyail le petit animal, l'ikyak ou la fleur, l'homme ou la femme — elle entendait aussi une voix lui dire qu'elle n'était pas assez forte pour libérer cet esprit délicat du bois ou de l'ivoire. C'était vrai, parfois. Il arrivait que ce qu'elle sculptait soit un mélange d'esprits : animal et homme, ikyak et plante, émanant l'un de l'autre, comme si elle n'avait pas écouté assez attentivement pour savoir ce que son couteau allait faire surgir. Elle cachait ces piètres figurines dans un panier près de sa plate-forme et il lui arrivait de les sortir et de chanter de doux chants demandant pardon aux esprits que son couteau avaii blessés.
    Puis elle en était venue à comprendre que sculpter faisait partie d'elle, que c'était une façon d'exprimer sa joie ou sa peine. Aussi, lorsque le vide de l'absence la dominait, elle sculptait pour obliger son esprit à rompre avec le chagrin.
    Kiin prit une statuette de loutre. Elle la tourna dans ses doigts mais sentit soudain la main du Corbeau sur sa tête.
    — Non, dit-il en fouillant dans le panier pour en extirper une figurine de morse. Finis d'abord celle-ci.
    Il caressa les longs cheveux de

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