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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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jusque chez lui mais attendit dehors. Il n'était pas bon qu'un homme assiste à une naissance. Le sang d'une femme était une malédiction puissante contre la chasse. Il grimpa en haut du toit et s'assit. Il percevait le murmure de la voix de sa mère, un son apaisant, mais n'en distinguait pas les mots. Il porta son regard en direction de la baie et, tout en attendant, s'obligeait à penser aux baleines qui leur étaient venues l'automne dernier.
    Ces baleines avaient donné aux Premiers Hommes assez de viande et d'huile pour l'hiver ; il en restait même un peu pour les lunes de famine avant le retour des oiseaux et des phoques au printemps.
    Les baleines se seraient-elles montrées en premier à une femme qui allait mourir ? Sûrement pas.
    Samig éleva des prières à l'esprit des baleines, leur demandant de ne pas oublier la femme Chasseur de Baleines qui était son épouse. Il repensa alors aux questions qu'il s'était posées lors de son dernier jeûne. Ici, près de la mer du Nord, les baleines étaient plus puissantes que tous les autres animaux, mais pour le Peuple des Caribous, dans la terre qu'ils habitaient, c'était le caribou qui devait posséder le plus de pouvoir. En ce cas, priaient-ils un autre esprit ? Son père lui avait raconté que les Chasseurs de Morses affirmaient qu'il
    existait des lieux sans montagnes, où un homme ne voyait que terre ou mer, s'étendant jusqu'au bord du ciel. Comment ces peuples-là pouvaient-ils prier les esprits des montagnes ? Existait-il quelque esprit supérieur à tout ? Plus grand que baleine ou montagne ?
    Il faillit élever ses prières à cet esprit-là ; faillit lui demander de l'aide. Mais l'effroi l'envahit brusquement. Était-il chaman pour appeler un esprit inconnu de son peuple ? Alors, au lieu de cela, il tourna à nouveau ses pensées vers l'esprit des baleines, son pouvoir, et leur demanda de donner la force à sa femme, une Chasseur de Baleines, et à l'enfant Chasseur de Baleines qu'elle portait.
    Le visage de Trois Poissons rougit et elle ferma les yeux très fort, serrant les lèvres en une fine ligne sur ses dents ébréchées.
    Ces dents, songea Chagak. Ces tristes dents. C'était la première chose qu'elle avait remarquée lorsque Samig avait ramené Trois Poissons de chez les Chasseurs de Baleines. Trois Poissons s'était montrée tumul tueuse, tapageuse. Dès le premier jour, Chagak avait senti combien Samig en était gêné et n'éprouvait pour elle ni joie ni fierté.
    A cette époque, je l'aurais volontiers renvoyée dan? * sa tribu, songea Chagak.
    « Et aujourd'hui ? » fit la voix de la loutre.
    — Aujourd'hui je l'aime, dit Chagak avec simplicité.
    Elle chassa les larmes de ses yeux. Quelle importance si une femme avait des dents cassées, si elle parlait parfois trop fort ? Quelle importance quand son âme était grande et pleine de bonté ?
    Trois Poissons gémit. Le saignement avait cessé mais le bébé était en avance. Il serait trop petit pour vivre.
    « Parfois, de petits bébés vivent, chuchota alors la voix de la loutre. Rappelle-toi Amgigh. Ses bras et ses jambes étaient si maigres qu'on voyait le sang battre sous la peau. Pourtant, il a vécu. »
    Oui. Amgigh était devenu un homme robuste. Il aviiit
    vécu pour donner un fils à Kiin. Elle se tourna vers l'ouest, vers la montagne sacrée de son village d'autrefois. Elle voulait prier, supplier pour la vie de l'enfant, mais sa prière fut un commandement, comme si elle était chaman ou chef de village.
    — Ce bébé vivra, dit-elle à Aka. Il sera fort.
    Elle attendit les remontrances de la loutre. Mais au lieu de lui rappeler comment il convenait d'adresser une prière, elle répéta les paroles de Chagak.
    Samig se dirigea vers la pile de bois flotté qu'il avait dressé en cible et s'empara d'une javeline. Une douleur au ventre lui rappela qu'il n'avait rien mangé, mais il regagna sa place sur le sable gris de la plage et lança de nouveau. Au début, il avait compté : cinq lances d'entraînement projetées une fois, cinq projetées deux fois. Il avait compté jusqu'à dix et deux, mais voilà qu'il ne se souvenait plus du nombre de fois qu'il avait lancé. Quatre dix, peut-être cinq.
    Il réitéra le mouvement. Au bout du cinquième jet, il ôta son propulseur. Ses doigts s'étaient raidis, presque sans qu'il s'en aperçoive, au cours des mois qui avaient suivi sa blessure, et il avait maintenant beaucoup de mal à mettre sa main à plat. Seul le doigt

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