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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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murmura-t-elle en serrant son fils contre elle. Très courageux. Les loups ne nous entendront pas.
    Elle reposa Shuku dans Fik et ouvrit un menhaden. A l'aide de son couteau courbe, elle ôta les entrailles, laissant la chair ferme sous sa tente d'arêtes. Elle glissa les viscères dans une coquille de clam propre, noua les deux moitiés avec un nerf et glissa le clam dans son panier. Demain ou un autre jour, cela servirait d'appât. Elle posa les yeux sur Shuku, sur les traces de larmes zébrant ses joues. Il respirait par à-coups mais ne pleurait pas.
    — Shuku. Tu es brave, tu apprends déjà à être un homme.
    D'un coup d'ongle, elle arracha les yeux du menhaden pour les donner à son fils. Quel enfant n'aimait les yeux de poisson ? Un gargouillis de joie monta au cœur de Kiin. Quel bonheur de pouvoir gâter Shuku sans Queue de Lemming pour exiger sa part.
    Kiin enveloppa le poisson dans de l'herbe qu'elle posa sur les braises. Pendant qu'il cuisait, elle remballa ses provisions, leva les filets de tous les autres poissons et les fixa à l'extérieur de son panier.
    Elle s'autorisa un moment de repos près du feu pour humer l'odeur du poisson en train de cuire puis elle se leva, prit sa lance et son couteau et gagna le bateau. Son regard s'attarda sur les côtes lisses en cèdre, les lanières de varech à chaque jointure, la couverture en cuir de morse huilé. C'était un bel ik, imperméable, à l'équilibre parfait, assez léger pour qu'une femme puisse le soulever.
    Kiin prit Shuku et le sangla en travers de sa hanche gauche. Elle contempla les nuages qui se regroupaient en une ligne grise masquant le soleil tandis que la marée recouvrait progressivement la plage.
    Peut-être les nuages sont-ils comme la marée, se dit Kiin ; peut-être les esprits qui vivent dans les Lumières Dansantes comprennent-ils les nuages et s'en servent-ils pour leur pêche aussi facilement que les gens de la terre utilisent les marées.
    Songeuse, elle posa de nouveau les yeux sur l'embarcation.
    Elle leva sa lance pour taillader la couverture mais s'interrompit au murmure de sa voix intérieure : « Laisse-le, Kiin. Cet ik a un esprit, comme tous les iks. Qui peut dire ce qu'il fera si tu le détruis ? »
    — Qakan a détruit l'ik de notre mère, répondit Kiin.
    Son esprit gémit, apeuré. « Rappelle-toi ce qui est
    arrivé à Qakan. Aujourd'hui encore, ses os sont abandonnés sur la plage des Commerçants, sous la seule protection des pierres que tu as empilées sur lui. Le Corbeau l'a maudit, empêchant son esprit de voler dans les Lumières Dansantes. Que fera-t-il quand ta mère mourra et qu'il n'y aura plus personne pour penser à lui ? »
    — Je ne peux pas laisser l'ik ici, protesta Kiin à voix haute. Que penserait le Corbeau s'il arrivait au camp aux saumons et trouvait l'ik intact ?
    Soupçonnerait-il que Kiin était retournée chez elle ? Se rendrait-il à la plage des Commerçants où il les retrouverait, elle et ses fils, et tuerait Samig ?
    Elle arma de nouveau son bras puis pensa que si le canoë était détruit sur les pierres, elles transperceraient le fond. Elle retourna le bateau et, fermant son esprit à sa voix intérieure, ficha la pointe dans le cuir avant d'agrandir la déchirure au moyen de son couteau courbe.
    — Je libère ton esprit, dit-elle à l'ik. Reste ici jusqu'à l'arrivée du Corbeau. Reste ici et appelle-le sur cette plage. Fais-lui croire que mon fils et moi sommes morts. Puis va avec le vent parmi mon peuple, les Premiers Hommes. Dis-leur que j'arrive. Va et attends-moi.
    Dès mon arrivée, je te fabriquerai un autre ik. Je l'ornerai de choses sacrées — coquillages et plumes de macareux, dents de phoque et toutes choses belles. Je t'honorerai. Alors, toi et moi serons ensemble tant que mon corps vivra. Et quand je mourrai, je demanderai que tu sois enterré avec moi afin que je puisse t'emme-ner dans les Lumières Dansantes.
    Sur quoi, Kiin tira l'esquif jusqu'à la limite des marées et le posa dans les roseaux des sables. Elle arpenta la plage et finit par trouver une pierre suffisamment lourde mais pas trop. Elle la porta jusqu'à l'ik, la leva au-dessus du banc de nage central et la laissa tomber à plusieurs reprises jusqu'à ce qu'il éclate. Après quoi elle prit un des colliers offerts par le Corbeau dont elle trancha le fil. Elle frotta le bijou dans le sable. Presque toutes les perles s'échappèrent et s'éparpillèrent dans les flaques. Kiin enroula ce qui restait

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