Mon frère le vent
esprits.
— Attends. Je vais le chercher.
Waxtal s'assit au bord du trou qui perçait le toit, les
pieds pendant dans l'ulaq. Il enveloppa de ses bras un des ventres d'huile et entreprit de descendre.
Il partit ensuite chercher le second. Il était encore en haut quand il entendit la voix de Roc Dur.
— Waxtal ?
— Oui.
— Bien. Tu as apporté mon huile ?
— Oui. Je veux que tu l'aies avant que je ne parte parler aux esprits.
— Bien, dit-il en tendant la main pour prendre son dû. Peux-tu manger avant de partir ?
Waxtal leva les yeux vers le ciel. Il faisait encore sombre.
— Oui.
Roc Dur tendit à Waxtal de l'huile et une pleine poignée de viande séchée.
— Où comptes-tu aller ?
Waxtal mordit et mâcha avant de répondre.
— Les esprits en décideront.
— Reviendras-tu ?
— J'en ai assez de Hibou et d'Œuf Moucheté. Disleur de poursuivre sans moi.
— Ils ne savent pas que tu pars ?
— Si, mais ils avaient prévu de m'attendre. Dis-leur de ne pas le faire.
Waxtal plia une lamelle de viande séchée qu'il coinça entre sa mâchoire et sa gencive pour la ramollir.
— J'ai été heureux de traiter avec toi, dit-il la bouche pleine. J'espère revenir. Une autre année peut-être. Guette-moi l'été.
Roc Dur lui claqua l'épaule.
— Je te guetterai.
Waxtal s'apprêta à grimper puis se retourna et tendit le collier de Hibou.
— Ta femme a bien profité de tes leçons. Donne-lui ceci de ma part.
Roc Dur prit le collier.
— C'est elle qui m'a appris, dit-il en riant.
Son rire suivit Waxtal jusqu'à l'obscurité de la nuit.
34
Hibou s'étira et se gratta le ventre.
— Pour un homme qui n'a pas eu de femme de l'hiver, il n'a pas fait beaucoup de bruit, cette nuit.
— Ils sont vieux tous les deux, dit Œuf Moucheté en riant. Peut-être voulait-il seulement dormir. Quoi qu'il en soit, il ne mérite pas de femme après son troc avec Roc Dur. Trois ventres de phoque contre quatre têtes de harpon cassées.
— Deux ventres.
— C'est ce qu'il dit. Il a menti pour la femme, pourquoi pas pour l'huile ?
— Nous n'aurions jamais dû l'amener, cela nous aurait évité de venir sur cette île maudite. Nous serions dans un village Traqueur de Phoques à jouir de femmes dodues et de viande fraîche.
Œuf Moucheté plongea le doigt dans la lampe et en lécha l'huile.
— Elle est rance, fit Hibou avec une grimace. Je le sens d'ici.
Œuf Moucheté haussa les épaules. Il gagna la réserve de nourriture et écarta le rideau en frottant l'herbe tissée.
— Ces femmes Chasseurs de Baleines ne savent pas tisser.
— Quelle importance pour nous ?
Hibou avait pris son parka accroché au mur et passait son pouce le long des coutures, écrasant les puces grises qui s'étaient glissées dans chaque ourlet.
— Les femmes Traqueurs de Phoques nous donnent des nattes, les femmes Chasseurs de Baleines nous donnent des puces.
Accroupi pour fouiller dans la réserve, Œuf Moucheté étouffa un cri et se retrouva assis par terre.
— Quoi ? demanda Hibou en levant les yeux de son parka.
— C'est presque vide, dit Œuf Moucheté d'une petite voix. Regarde.
Hibou arracha le rideau et tira de la cache un ventre de lion de mer à demi plein, une vessie d'eau aplatie et une peau de phoque de poisson séché.
— Tout a disparu sauf ce qui était déjà là avant notre arrivée, remarqua Œuf Moucheté.
Hibou se rendit dans la chambre de Waxtal et, là encore, arracha le rideau. Nombreux Bébés se redressa en agrippant ses couvertures.
— Où est Waxtal ? demanda Hibou.
Les mots de la femme se bousculèrent. Hibou finit par entrer et la saisit par le bras pour la mettre debout.
— Parle lentement, femme. Comment veux-tu que je comprenne ta langue ridicule si tu parles aussi vite ?
Nombreux Bébés se dégagea avec violence, enfila son suk de loutre et fonça vers le centre de l'ulaq. Elle regarda autour d'elle puis demanda :
— Où est Waxtal ?
— C'est ce que mon frère vient de te demander, répondit Œuf Moucheté en donnant un coup de pied à la peau de poisson séché. Toutes nos réserves sont parties — nos sacs de troc, notre nourriture, notre huile. Il ne reste que ce que ton mari nous a donné à notre arrivée.
— Comment saurais-je où est Waxtal ? répondit Nombreux Bébés. Je lui appartenais pour la nuit — comme mon époux l'alananasika me l'a demandé. C'est tout.
Elle tira violemment sur les plis épais de son
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