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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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les chevrons. Mieux valait attendre que les commerçants aient quitté l'île pour le sortir et le donner à une épouse ou une autre, peut-être en honneur de la naissance d'un nouveau fils.
    Les paroles de son chant l'avaient réchauffé. L'esprit envahi d'images de ce qu'il serait, Waxtal prit son couteau à sculpter. C'était un très beau couteau, fait pour lui par Amgigh trois ans auparavant.
    — Un cadeau du mari de ma fille, s'écria Waxtal, courbant les mots pour qu'ils prennent part à son chant.
    Puis il inclut un chant pour lui, pour la bravoure dont il avait fait preuve en sauvant Amgigh quand une baleine avait failli prendre sa vie. Mais quel bienfait en avait-il tiré ? Les esprits l'avaient marqué de la mort.
    Sans doute à cause de Kiin. Kiin était sa fille, oui, mais quel homme voudrait d'une telle progéniture ? Elle était maudite depuis son premier jour. D'ailleurs, il n'avait vu dans ses yeux que le vide et la rapacité, mais ni esprit, ni âme.
    Waxtal passa soigneusement les doigts sur la lame d'obsidienne de son couteau. Elle était longue comme la moitié de son doigt le plus petit, pointue au bout, avec un côté aiguisé. Comme il l'avait souvent affûtée, elle était maintenant très mince des deux côtés. Un jour, il lui faudrait trouver un autre tailleur de lame, aussi talentueux qu'Amgigh. Il garderait le même manche d'ivoire, taillé dans un os de mâchoire de baleine ; au fil des ans, la poignée s'était modelée en courbes et creux pour s'ajuster à sa main avec perfection.
    Waxtal sentit le couteau se réchauffer sous ses doigts. Alors, il posa la défense de morse sculptée en travers de ses genoux. Il laissa ses doigts suivre les lignes sculptées jusqu'à l'endroit où il s'était interrompu et qui représentait la naissance de Kiin. Il avait ciselé la partie de femme de Coquille Bleue et un cercle au-dessus, le renflement de son ventre.
    D'abord, il avait pensé figurer la naissance de Qakan. Il avait voulu oublier Kiin, mais s'il l'oubliait, il devait aussi oublier Amgigh et le Corbeau, deux fils puissants qui étaient siens à cause d'une fille maudite. Peut-être les esprits paieraient-ils en retour pour la souffrance dans la vie d'un homme ? Or, qui lui avait causé plus de souffrance que Kiin ? Même la colère de Samig était sa faute.
    Une fois que Waxtal eut achevé Coquille Bleue — un cercle et un coin —, n'ayant pas réussi à décider comment sculpter Kiin, il laissa son couteau de côté, espérant qu'une idée lui viendrait d'un rêve ou d'un esprit. Aujourd'hui, son incantation lui avait suggéré la réponse. Il se pencha sur son ouvrage et déplaça son couteau pour que la pointe fasse un autre coin, signe de femme, mais pointe en haut, cette fois. Puis il dessina une ligne qui allait du coin de Coquille Bleue à ce coin-ci. Il traça des lignes traversant le nouveau coin pour montrer l'hostilité des esprits. Cela fait, il se frotta les mains au-dessus de l'ivoire en souriant. Excellent.
    Il ferma les yeux et se perdit dans l'incantation. Comme il chantait, il se laissa aller à imaginer les joies qui seraient siennes une fois chef des Premiers Hommes. Il aurait des femmes et des ikyan, les fourrures les plus douces pour son lit, de nombreux parkas et un beau suk en plumes, de chaudes jambières en peau de caribou et une cape de plumes semblable à celle du Corbeau.
    Le plus clair du jour, il vécut dans ses rêves, puis, la faim commençant à le tarauder, il s'interrompit. Il ouvrit les yeux et regarda vers la mer. Elle était plus sombre, comme toujours lorsque le soleil commençait sa chute vers l'ouest.
    Waxtal observa la défense, toujours sur ses genoux. Surpris, il écarquilla les yeux puis se mit à gémir amèrement. Là, à côté du coin de Kiin, il voyait d'autres lignes, comme si quelqu'un les avait tracées sous l'effet de la colère. Il eut le souffle court et, dans son ventre, la douleur se fit plus aiguë. Les ongles de sa main droite mordirent sa paume et il s'aperçut qu'il serrait encore son couteau dans la main. Il l'ouvrit. Le couteau tomba. Ce n'était pas lui qui avait tracé ces lignes. Elles étaient hardies et profondes, différentes de celles qu'il avait sculptées avant.
    Il repoussa la défense et se leva, cherchant en vain les signes d'autres hommes — herbe foulée aux pieds, ikyak sur la plage, loin en contrebas.
    Il se rassit avec lenteur et reprit la défense mais n'arriva pas à refermer les mains autour. Il se

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