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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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peuple Morse, pour chaque homme, chaque femme. Ses pas étaient fermes sur le sol, comme si ses pieds tiraient leur force des pierres, de la terre, de l'herbe. Tout en priant, Kiin entonna ses propres chants, célébrations de toutes choses — la chaleur du soleil, le gris du gravier de la plage, les voix des oiseaux. Au fur et à mesure, elle sentit les esprits se déplacer, comme si les mots qui s'échappaient de sa bouche les forçaient à regagner leur place autour du village, comme si les mots qu'elle chantait répondaient à leur attente.
    37
    C hasseurs de B aleines
    île de Yunaska, îles Aléoutiennes
    Kukutux désigna un tas de peau de fourrure de phoque près de la lampe à huile. Elle Pleure s'assit, s'éclaircit la gorge mais ne dit mot.
    Elle Pleure était si petite que lorsqu'elle se recroquevillait sous son suk, elle passait pour une enfant. Mais ses yeux n'avaient pas leur honnêteté limpide et, depuis la mort du frère de Kukutux, Elle Pleure avait vieilli. Des lignes barraient son front et elle avait un pli entre les yeux.
    Kukutux s'accroupit, entoura ses genoux de ses mains et proposa :
    — Aimerais-tu de l'eau ? Elle est fraîche de ce matin.
    Pendant un instant, Elle Pleure resta silencieuse et Kukutux fut certaine qu'elle allait demander à manger
    — Oui, de l'eau, ce sera parfait, répondit-elle pourtant.
    Kukutux apporta une vessie d'eau et attendit que la femme ait bu avant d'aller raccrocher l'outre à son crochet.
    — J'ai quelque chose d'important à te demander, dit Elle Pleure.
    Kukutux se rassit et attendit mais la femme ne pipa mot, se contentant de fixer la flamme du regard. Kukutux était patiente. Il aurait été grossier de refuser à la femme le temps d'ordonner ses pensées. Mais elle connaissait suffisamment Elle Pleure pour savoir qu'en l'occurrence elle cherchait surtout à se donner de l'importance. Alors, Kukutux finit par se lever pour aller chercher un vieux panier qu'elle retourna sur un pieu de vannerie afin d'entreprendre d'en réparer le fond.
    — Je t'ai dit que j'avais quelque chose d'important à te demander, gémit Elle Pleure.
    — Je t'écoute.
    Elle Pleure claqua la langue contre son palais, comme une mère furieuse après son bambin.
    — Roc Dur veut savoir ce que tu penses des commerçants. Il veut savoir si tu penses que ce sont des hommes bons.
    Kukutux éclata de rire.
    — Roc Dur veut que je leur donne l'hospitalité. J'aurai l'honneur de travailler pour les marchands et ils lui donneront de l'huile. Roc Dur n'est pas mon père. De quel droit prend-il l'huile que je gagne ? Il a suffisamment de nourriture. Mais peut-être a-t-il besoin d'huile pour Nombreux Bébés. L'huile qu'elle utilise pour ses cheveux est si vieille qu'elle sent mauvais. Peut-être Roc Dur est-il las de la puanteur de sa chambre.
    Elle Pleure émit de petits bruits avec sa bouche pour indiquer sa contrariété.
    Kukutux leva les yeux de son panier et dévisagea Elle Pleure.
    — Et toi, demanda Kukutux, auras-tu une part de l'huile si tu me convaincs d'aller avec les commerçants ?
    Elle Pleure ouvrit la bouche. Kukutux attendit mais aucun mot ne sortit. Le visage de la femme rougit et Kukutux songea un instant à dire quelque politesse qui atténuerait l'agacement de ses paroles, mais elle remar-qua alors la rondeur des bras d'Elle Pleure, ses joues pleines. Cela n'avait pas été facile pour Elle Pleure — comme pour chacun au village — mais cette femme ne crevait pas de faim, ses enfants non plus.
    — De quel droit prends-tu de l'huile pour quelque chose que je fais, moi ? Je ne t'ai pas offert à manger, aujourd'hui. Ce n'est pas par grossièreté mais parce que je n'ai pas de quoi. Pourtant, tu me demandes de me donner à un homme que je ne connais pas, alors que je n'ai ni mari ni frère pour me protéger. Tu me demandes afin d'avoir davantage.
    Elle Pleure leva les yeux, et regarda Kukutux avec dureté.
    — Tu crois être la seule au village à avoir souffert ? Tu crois être la seule à avoir perdu un mari ou un fils ? Je sais que tu n'as pas assez à manger, que tu as besoin d'huile, mais qu'y puis-je ? Devrais-je laisser l'enfant de mon deuxième époux dépérir pour nourrir l'épouse de mon premier mari ? Quelle épouse ferait cela ?
    — Ne peux-tu partager un peu d'huile, m'accueillir dans ton ulaq, m'offrir un tout petit peu à manger — par politesse ? demanda Kukutux.
    Elle Pleure poursuivit comme si elle n'avait rien entendu

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