Mon frère le vent
pris hormis quelques rares clams. Même les racines étaient difficiles à trouver depuis que la cendre avait tué tant de plantes. Pas étonnant que les Traqueurs de Phoques soient allés sur une autre plage. Les Chasseurs de Baleines se porteraient tellement mieux s'ils en avaient fait autant.
Il est vrai que les Traqueurs de Phoques pouvaient trouver des phoques sur presque n'importe quelle île. Ce n'était pas le cas des baleines. Cette île était l'endroit où elles passaient lorsqu'elles se déplaçaient au printemps et en automne entre les mers du Nord et du Sud.
Roc Dur rota.
— J'ai décidé de faire comme tu demandes, déclara Kukutux.
L'homme leva sur elle un œil étonné. Il tapota le sol près de lui.
— Assieds-toi et mange.
Il lui tendit le bol d'huile et de viande de phoque. Kukutux porta le bord à ses lèvres et poussa la viande dans sa bouche. Elle lui rendit le récipient et s'essuya le menton de ses doigts.
— Encore ? proposa Roc Dur.
Kukutux tendit la main et prit une autre bouchée.
— Ainsi, tu as décidé que tu aimais les commerçants.
— Non, répondit Kukutux en léchant l'huile de ses mains et de ses lèvres. Mais je n'ai pas le choix. Si je n'accompagne pas les marchands, je vais mourir de faim.
— Tu ne l'avais pas compris quand je t'ai parlé la première fois ?
Kukutux haussa les épaules.
— Les loutres sont venues et ont mangé presque tous les oursins. Les baies et les bulbes de pourpier ne sont pas encore mûrs. Je n'ai pas d'ik pour pêcher ou prendre les oiseaux des falaises.
— Alors tu iras aux commerçants. Bien ! dit Roc Dur en se levant. Je vais le leur dire.
Kukutux leva la main.
— Attends !
Roc Dur s'accroupit. Son tablier d'herbe tressée touchait le sol entre ses jambes. Il posa les coudes sur les cuisses et regarda la femme.
— Combien d'huile donneras-tu à Elle Pleure si je pars ?
— Pourquoi Elle Pleure aurait-elle de l'huile ? fit Roc Dur avec un petit rire.
— Me prends-tu pour une idiote ? Tu crois que je ne comprends pas la femme qui a été l'épouse de mon frère pendant trois étés ? Tu la crois assez fine pour m'empê-cher de deviner ? lança Kukutux, riant à son tour avec force et rudesse. Ils t'ont offert de l'huile si tu leur trouvais une femme pour tenir leur ulaq et réchauffer leur couche. Tu es allé voir Elle Pleure et tu lui as offert une part de l'huile si elle t'aidait.
— Comment le sais-tu ?
— Elle Pleure est une fanfaronne. Il n'est pas difficile de la percer à jour. Elle se vante toujours auprès de quelqu'un.
— Tu veux donc sa part ?
— Oui, dit Kukutux. Sa part. Deux ventres.
— Elle ment ! Sa part est un seul ventre.
— Un, alors.
— Tu le veux maintenant ?
— Non. Garde-le pour moi. Ce sera le début de ma cache d'hiver. Il sera plus en sécurité ici que dans mon ulaq vide, où n'importe qui peut venir le prendre.
— Je me rappelle quand les seuls voleurs étaient les mouettes qui chapardaient sur les claies de séchage, dit Roc Dur d'une voix adoucie.
Kukutux le regarda en se demandant si elle était censée répondre, mais ses yeux étaient de ceux qui voient au loin. Kukutux choisit de se taire et demeura assise jusqu'à ce que l'homme se lève enfin.
Alors, Kukutux dit :
— Moi aussi, je volerais — pour mes enfants. Peut-être que ce que je fais maintenant est pour ceux que j'aurai un jour.
Roc Dur se dirigea vers le tronc d'arbre comme s'il n'avait rien entendu. Kukutux le suivit.
Une fois au sommet, il s'arrêta et se retourna.
— Qui t'a dit, pour l'huile ?
Kukutux lui sourit.
— Les gens parlent.
39
— Ainsi, c'est ce que tu nous amènes ! dit Œuf Moucheté dont la voix résonnait trop fort dans le petit ulaq.
Kukutux releva la tête et regarda les deux hommes avec audace. Ils étaient jeunes — du Peuple des Caribous, avait dit Nombreux Bébés. Œuf Moucheté était grand avec des épaules carrées. Malgré les récits des conteurs sur la taille des Caribous, Hibou était plutôt petit. Cependant, il avait l'air doux, le genre d'homme qui écoutait avant de parler et voyait au-delà des mots. Kukutux songea qu'elle le préférerait sans doute, mais qui pouvait dire ? Tous deux avaient les pommettes saillantes. Hibou arborait des tatouages en travers des joues, comme les lignes sur le menton des garçons Chasseurs de Baleines une fois qu'ils avaient atteint l'âge de chasser.
Les yeux des commerçants étaient ronds et leur
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