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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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devant lui, il aperçut le bout de la rivière, là où elle s'élargissait pour devenir un lac. Le porc-épic baissa la tête comme le font tous les porcs-épics et poursuivit son chemin jusqu'à ce qu'enfin il arrivât. Il regarda tout autour de lui mais ne trouva le corbeau nulle part. Il ne s'inquiéta pas bien longtemps. Grimpant à un arbre, il commença à manger de l'écorce. Finalement, il distingua un minuscule point noir haut dans le ciel qui se mit à grandir encore et encore, jusqu'à ce que le porc-épic s'aperçoive qu'il s'agissait du corbeau. Celui-ci se posa et s'écria qu'il avait fini la course. Puis, au-dessus de sa tête, le porc-épic éclata de rire et le corbeau sut qu'il avait été battu. Ce dernier s'envola et jamais plus n'importuna le porc-épic.
    Dyenen leva les yeux sur le Corbeau en souriant. D'un paquet fixé à sa taille, il tira deux morceaux de viande séchée et en tendit un au Corbeau.
    — Suis-je un enfant que tu doives me raconter des histoires ? interrogea le Corbeau.
    Dyenen trancha une mince lamelle de viande qu'il porta à sa bouche.
    — Évidemment, fit Dyenen.
    Et il commença à manger.
    46
    P remiers H ommes
    Baie de Herendeen, péninsule d'Alaska
    Samig souleva son ikyak des casiers.
    — Tu ne devrais pas partir seul.
    Samig se retourna à la voix de son père.
    — Je n'ai pas l'intention de chasser.
    Kayugh caressa de la main un des harpons que son fils arrimait à son bateau.
    — Quel homme part sans ses harpons, remarqua Samig. Peut-être croiserai-je un phoque ou un lion de mer. Pendant des années, ajouta-t-il en plongeant les yeux dans ceux de son père, tu as été chef de ce village. Les gens sont venus à toi avec leurs problèmes. Tu comprends mon besoin de prier.
    Kayugh se tourna pour désigner du menton les collines derrière les ulas des Premiers Hommes.
    — N'existe-t-il nul endroit derrière les montagnes où un homme puisse s'isoler pour parler avec les esprits ?
    — Ceci me convient mieux, répondit Samig en effleurant son ikyak.
    Kayugh hocha la tête.
    — Je comprends qu'il est des fois où l'on doit être seul, mais tu ne devrais pas chasser sans escorte. Choisis un compagnon de chasse.
    — Oui.
    Sur quoi Samig emporta son bateau au bord de l'eau, grimpa et s'éloigna en pagayant des mains. Puis il rama jusqu'à l'embouchure de la baie, jusqu'à ne plus entendre les voix de son peuple, ne plus voir la fumée monter, mince et grise, des ulas, ni son père seul sur la plage.
    Oui, c'était le printemps, il lui fallait un partenaire. L'été dernier, après la mort d'Amgigh, Samig avait peu chassé. A quoi bon chasser avec une main incapable de lancer un harpon ? Mais il s'était suffisamment entraîné pour s'y remettre. Il ne serait jamais plus comme avant, mais il pouvait rapporter de la viande. Et il pouvait pêcher. Il pouvait prier. Il ajouterait ainsi à la force du village.
    Pendant qu'il pagayait, il réfléchit à différents compagnons. Son père et Longues Dents faisaient déjà équipe, et Premier Flocon partait en général avec eux. Cela laissait Petit Couteau. Parfois, Kayugh emmenait le garçon, parfois c'était Premier Flocon qui l'emmenait, mais mieux valait qu'un homme ait toujours le même compagnon, qui comprenait vos forces et vos faiblesses.
    Tu devrais prendre Petit Couteau, se dit Samig. Et soudain, il eut honte de n'avoir pas plus tôt fait équipe avec lui.
    Aujourd'hui, se dit Samig, cet après-midi, si le ciel reste clément, je sortirai avec lui. Il était souvent malvenu qu'un père et son fils fassent équipe. Leurs talents s'accordaient rarement ; le père, d'abord très en avance sur son fils, était ensuite dépassé. Mais dans un petit village, le choix était restreint.
    Samig enfonça sa pagaie dans l'eau. Il était bon de sentir le froid de la mer à travers les flancs du bateau, de sentir la force des vagues contre sa pagaie. Un air que Kayugh lui avait enseigné lui vint à l'esprit. Samig chanta. Graduellement, son chant devint prière et ses pensées s'élevèrent non pas vers les montagnes ou les baleines, mais vers l'esprit créateur, celui qu'en lui-même il appelait « Mystère ». N'était-ce pas ce grand esprit qui avait conduit les baleines dans leur baie l'automne dernier ? Ces baleines qui avaient donné l'huile et la chair grâce auxquelles son peuple avait traversé l'hiver vivant et en bonne santé ?
    Alors Samig pria pour remercier le ciel et la terre, de la viande et l'huile.

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