Mon frère le vent
s'ancrèrent au bol.
Roc Dur s'assit sur ses talons à côté de Waxtal et le regarda. Mais celui-ci se contenta de boire sans broncher.
— Tu as pris leurs marchandises, dit Roc Dur.
— Seulement parce qu'ils allaient prendre ce qui m'appartient et me laisser là.
— Est-ce vrai ? demanda Roc Dur aux deux hommes.
Hibou haussa les épaules.
— Il a pris tout ce qui était dans cet ulaq ?
— Pas les choses qui étaient là avant notre arrivée, pas l'huile de baleine ni le poisson séché, répondit Hibou.
Roc Dur inclina la tête mais Waxtal y vit l'esquisse d'un sourire.
— Vous pensez qu'il faudrait le tuer pour avoir pris ce qui vous appartient.
— Peu importe. Nous n'en voulons pas avec nous, voilà tout.
— Ce n'est pas ce qu'Œuf Moucheté m'a dit, objecta Roc Dur.
Hibou regarda son frère en plissant les yeux.
— Nous n'étions pas obligés de le ramener avec nous, remarqua Œuf Moucheté. Nous aurions pu le tuer sur place et tout rapporter.
— Mais vous ne l'avez pas fait. Pourquoi ?
— Il priait et jeûnait, expliqua Œuf Moucheté. Pourquoi risquer de courroucer un esprit des lieux ?
— Alors tu as préféré le ramener ici pour que l'île des Chasseurs de Baleines subisse la malédiction et que je décide de sa vie ou de sa mort ? Sache que j'ai mon compte de mauvais sorts.
— C'est ton choix, intervint Hibou. Mais s'il vit, nous ne l'emmènerons pas avec nous.
Roc Dur se leva et marcha dans l'ulaq.
— Pourquoi souhaiterais-je sa mort ? Il n'a rien pris qui nous appartenait.
— Parfait, dit Œuf Moucheté. Tu le nourris. Je suis sûr que les Chasseurs de Baleines ont besoin d'un vieillard supplémentaire. Quant à nous, nous partons. Il n'y a rien pour nous ici. Nous avons goûté votre huile de baleine. Elle est rance. Nous avons goûté vos femmes. Elles sont...
Hibou l'interrompit en langue Caribou, parlant trop vite pour que Waxtal puisse comprendre.
— Nous partons demain, dit Hibou à Roc Dur. Pour te remercier de ton hospitalité, nous te laissons les peaux d'huile que tu vois ici.
Sur quoi il écarta le rideau d'herbe dissimulant l'entrée de la cache de nourriture. Waxtal en compta quatre.
— Nous te laissons aussi le vieil homme. Fais-en ce que tu veux.
Waxtal inspira profondément et regarda Roc Dur qui grimpait déjà au rondin et sortit sans un mot.
— Dis-moi ce qu'il y a à faire, fit la femme en abandonnant son ouvrage.
Œuf Moucheté tira son parka d'une pile de peaux près de l'entrée de sa chambre.
— Il y a un trou sous une manche.
Puis il lança en tas aux pieds de la femme bottes et jambières.
— Hibou, as-tu des vêtements à repriser ?
Waxtal tourna le dos aux marchands, leva son bol et en lécha la moindre goutte. Il alla prendre la défense sculptée qu'il emporta dans sa chambre. Puis il revint chercher l'autre.
Il posa les mains sur les défenses et sentit la clameur des voix au bout de ses doigts. Oui, songea-t-il. Il attendrait ici, à l'écart. Il attendrait et veillerait sur ses défenses. Une fois les deux hommes repartis, il irait trouver Roc Dur pour lui faire une offre. Hibou et Œuf Moucheté pensaient emporter toutes les marchandises, mais ils ne connaissaient pas ce qu'il avait à échanger : un savoir pour lequel Roc Dur donnerait tous ses biens.
48
P euple des R ivières
Rivière Kuskokwim, Alaska
— Chaque paquet contient une médecine différente, expliqua Dyenen. Leurs ficelles sont de couleur différente ; les nœuds qui les scellent sont également différents.
Il en tira plusieurs de son sac médecine en peau de lynx puis désigna de la tête celui du Corbeau.
— Vois, Saghani, tu as le même.
Le Corbeau fouilla dans son sac et trouva les paquets noués comme ceux de Dyenen.
— C'est ainsi que tu sais ce que chacun contient, dit Dyenen. Maintenant écoute et retiens.
Il étala les paquets sur de la mousse plate et sèche et fit signe au Corbeau de l'imiter.
Dyenen prit un paquet et attendit que le Corbeau ait trouvé le même.
— De la livèche, dit Dyenen. On la trouve dans le sable près de la mer. Ce sont de grandes plantes dont les pétales sont rouges à la base. Les feuilles sont brillantes et séparées en trois. Il faut cueillir les feuilles et les tiges avant la floraison. Il faut les manger vertes quand on a des maux de bouche ou les faire sécher pour confectionner des tisanes qui supprimeront les douleurs de dos. Ficelle rouge, trois nœuds simples.
Il
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