Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin
de travail allemands (Arbeitsamt), et d’autres encore pour des occasions spéciales (les autorisations de déplacement et de voyage). Les groupes militaires avaient besoin d’explosifs et d’équipements modernes que le plus débrouillard des petits groupes n’obtiendrait jamais par lui-même. On devait fournir aux organismes politiques et de propagande des stocks de papier, des imprimeries et des spécialistes de toutes sortes : écrivains, imprimeurs et colporteurs. Une fois ce degré de complexité atteint, des cadres spéciaux étaient nécessaires pour s’occuper de la liaison entre ces différentes branches. Les agents de liaison devaient avoir des lieux de réunion, des cachettes, des entrepôts pour le matériel de guerre, la place pour les archives et des lieux de rendez-vous. Seule une vaste organisation pouvait opérer la division du travail nécessaire à la sécurité et à l’efficacité d’un mécanisme aussi complexe. Tandis que l’organisation centrale se cristallisait, incorporant les unités isolées les plus proches, celles qui se trouvaient à la périphérie étaient particulièrement exposées. Elles devinrent une sorte de mur sanglant entre la Gestapo et le corps principal. Quand la Gestapo flairait une piste conduisant à la Résistance, elle tombait inévitablement sur ces groupes. Ils arrêtaient ainsi le progrès de ses investigations et s’attiraient toutes ses fureurs. Ils étaient comme les faubourgs extérieurs d’une ville assiégée, dans laquelle l’artillerie ennemie réussit rarement à pénétrer.
La Gestapo trouvait que cette situation était une énigme insoluble et, en fait, nous-mêmes en étions parfois troublés. Il était fréquent qu’après une journée d’arrestations massives, la Gestapo relâchât sa pression, persuadée que l’organisation entière avait été détruite, brisée ou rendue impuissante. Parfois, un membre arrêté était pris de panique et nous envoyait un message par l’organisme créé à cet effet. Il nous informait que la Gestapo avait pénétré dans les retraites intérieures de l’organisation et qu’elle connaissait les noms des autorités centrales.
Le prisonnier avait été interrogé sur un ou deux noms qu’il croyait plus importants qu’ils ne l’étaient en réalité. C’étaient généralement ceux des dirigeants du petit groupe, semi-détaché, par l’entremise duquel il avait travaillé. De cette façon, la Gestapo aboutissait invariablement à une impasse quand elle croyait être arrivée à ses fins et toucher au but.
Conformément au principe adopté voulant que la Résistance organisée constitue la continuité de l’État polonais, avec son gouvernement en exil, on procéda à la division organisationnelle en cinq branches fondamentales.
1° La branche administrative était composée du délégué en chef du gouvernement et des délégués régionaux. Douze départements fonctionnaient sous leur autorité, avec chacun à sa tête un directeur, qui était le représentant d’un ministère du gouvernement polonais de London, tel que : directeur de l’Intérieur, des Finances, de l’Éducation, etc. La tâche primordiale de cette branche était d’organiser et de maintenir une administration clandestine et secrète du pays indépendante de l’occupant.
Son fonctionnement reposait sur l’attitude qui avait prévalu, consistant à ignorer l’occupant. Les Polonais avaient refusé toute participation à l’administration politique du Generalgouvernement allemand et un décret était paru selon lequel aucune loi, aucun décret venant des Allemands ne devaient être observés cii . Cela aurait pu amener une situation chaotique, c’est pourquoi l’autorité de la Délégation administrative secrète était établie pour contrôler tout le pays. Il apparut rapidement que cette administration clandestine exerçait sur la population une influence bien plus grande que ne l’était celle de l’occupant nazi avec ses mesures brutales. Pratiquement dans chaque département, chaque ville, chaque district, se trouvait un représentant de la Résistance, investi des pleins pouvoirs administratifs de l’État clandestin, qui restait en contact avec la population. Ces personnages devaient être prêts à diriger l’administration du pays, dès l’instant où celui-ci serait libéré de ses envahisseurs.
2° La branche armée comprenait l’organisation militaire clandestine. À sa tête le commandant en
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