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Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin

Titel: Mon témoignage devant le monde-Histoire d'un Etat clandestin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jan Karski
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organisaient l’aide caritative apportée à quiconque avait subi les spoliations de l’occupant. Bien que ces groupes n’aient pas été constitutifs des structures de la Résistance à proprement parler, ils étaient nécessaires et appréciés.
    Voilà comment se présentait l’État clandestin à l’hiver 1940-1941.
    À l’étranger, des hommes politiques importants, polonais ou autres, m’ont souvent demandé si cette attitude implacable envers les collaborateurs pourrait être maintenue au cas où la guerre se prolongerait et la terreur allemande s’intensifierait. Je n’ai jamais eu de doute à ce sujet. Quels que pussent être les événements militaires et sans tenir compte des sacrifices qu’elle représentait, cette irréductible attitude de résistance serait maintenue. Au fur et à mesure que la guerre se prolongeait, nous finissions par percevoir, en Pologne, que l’étendue des douleurs et des sacrifices endurés n’était pas toujours reconnue par les autres nations. C’était chez nous un sujet de discussions amères, un sujet d’articles dans la presse clandestine et de questions au gouvernement en exil. En dépit de cela, toutes nos ressources, nos vies, notre existence même en tant que nation avaient été engagées pour la victoire des puissances démocratiques, et nous étions blessés par le fait que d’autres pays, moins obstinés dans leurs efforts que la Pologne, acceptaient même de garder à la fois des relations avec la démocratie et le fascisme, et qu’ils « s’en tiraient » néanmoins mieux que nous.

ChapitreXX Krakow
L’appartement de M me L…
    Il était interdit dans la Résistance d’habiter longtemps au même endroit. Je n’ai donc pas été étonné par l’ordre de changer d’adresse. Cette décision fut de plus accélérée par le fait qu’une femme avait été arrêtée dans la maison par la Gestapo. Je n’avais pas la moindre idée de son identité, ni de la raison pour laquelle elle avait été arrêtée, mais on avait interprété cela comme une mise en garde. Je disparus. Je n’ai pas rempli de fiche à ma nouvelle adresse et j’y habitai sans être enregistré, pour écouter la radio ; je gardais un contact avec mon précéden t propriétaire. C’était là une ruse habituelle du clandestin lorsqu’il sentait que la Gestapo rôdait trop près de lui. Quand quelqu’un devenait suspect, la Gestapo obtenait généralement son adresse par le Service du logement et venait en pleine nuit procéder à l’arrestation. Un résistant pouvait, sans risquer d’être pris, savoir si la Gestapo le recherchait en restant en contact avec son logis officiel, sans y habiter. C’est ce qui me sauva. Quelques nuits après mon déménagement, j’appris que deux membres de la Gestapo étaient venus me demander nommément. Il était donc indispensable de changer d’identité une fois de plus.
    Pendant mon séjour à Krakow, la chance ne me quitta pas. Ceux avec qui je vivais furent arrêtés, alors que je parvins à m’échapper. Peu après, j’allai habiter dans une des maisons coopératives que les Allemands toléraient et j’y trouvai à m’employer comme commis de librairie. Mon poste de radio était dans une chambre de l’appartement d’une vieille dame. J’avais pu louer cette chambre sous le prétexte qu’en plus de mon emploi, j’exerçais aussi celui de marchand de tableaux et que j’en avais donc besoin comme magasin.
    C’était Tadeusz Kielec qui dirigeait cette coopérative. Je le connaissais depuis le lycée de Lodz et j’étais persuadé que, même s’il n’était pas membre de la Résistance, il ne me trahirait pas. C’était un personnage peu commun, brillant et généreux. Il appliquait ses idées rigoureusement, avec constance et désintéressement.
    Chacun de nous ne tarda pas à être convaincu que l’autre appartenait à la Résistance. Kielec le devina tout simplement parce que j’avais été obligé de m’enregistrer sous un faux nom. Et moi je compris que Kielec était des nôtres parce qu’il était toujours très bien informé des derniers événements, qu’il connaissait parfaitement les méthodes de la Gestapo, et qu’il avait des renseignements qu’il ne pouvait avoir obtenus que par des contacts avec des clandestins. Qui plus est, quand on a travaillé comme conspirateur pendant quelque temps, on acquiert vite un « flair » particulier pour reconnaître ses confrères, à l’instinct. Toutefois,

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