Montségur, 1201
une journée
entière. Heureusement ce n’était pas le cas d’Aignan. Non seulement il
maîtrisait parfaitement cette nouvelle écriture cursive qui permettait de
tracer plusieurs caractères successifs sans lever la plume, mais il connaissait
les abréviations latines qui faisaient gagner du temps. De plus, il copiait
presque sans rature, et quand il en faisait, il utilisait avec dextérité le
grattoir pour les effacer.
Ce fut donc lui qui écrivit les parchemins avec
des roseaux finement taillés, Amicie y portant seulement son nom et Guilhem le
sceau de Lamaguère représentant la même vielle à roue que sur ses armes.
Quand Amicie eut terminé, elle rejoignit sa servante.
Guilhem demanda alors l’aide d’Aignan pour préparer la lettre qu’il voulait
envoyer à Sanceline.
Bien qu’il soit habitué à composer des ballades
sur le fin’amor, il eut beaucoup de mal à exprimer ses pensées. La présence
d’Amicie entraînait une grande confusion dans ses sentiments, et finalement, ne
sachant que raconter, il proposa seulement à Sanceline de venir la chercher à
Albi. Les jours suivants furent consacrés aux approvisionnements et à une
visite de toutes les manses du fief. Guilhem parla avec ses vilains et ses
laboureurs, examina l’état des cultures et des récoltes et leur demanda de
signaler au château tout passage d’inconnus en armes. Il eut aussi à régler
quelques querelles entre les fermiers et même à en condamner un à une amende.
Bartolomeo était parti pour Saint-Gilles et
Villemur. Alaric et son cousin pour les châteaux et les mottes des vassaux de
Saverdun.
Au bout de huit jours, Bartolomeo revint le
premier. Par chance il avait trouvé le comte Raymond de Saint-Gilles dans son
château. Il lui avait raconté leur voyage à Londres, en nef, pour accompagner
Robert de Locksley qui devait ramener une grosse somme, puis leur retour à
Paris où ils étaient arrivés trop tard pour le mariage du fils de Philippe
Auguste avec Blanche de Castille. C’était uniquement ce que Guilhem avait
demandé à son ancien écuyer de faire connaître à Raymond de Saint-Gilles.
Celui-ci avait cependant posé des questions et, sans y prendre garde,
Bartolomeo avait révélé que Guilhem avait engagé sa foi auprès du roi de
France. Comme toujours, Raymond n’avait rien révélé de ce qu’il pensait, mais
après avoir lu la missive de son vassal, il avait fait écrire cette réponse par
son clerc secrétaire :
Raymond,
comte de Toulouse à Guilhem d’Ussel, seigneur de Lamaguère, salut.
J’ai reçu ta
lettre, Guilhem, et je ne sais qu’en penser. Dame Amicie aurait dû se placer
sous ma protection. Son attitude est-elle un signe de défiance ? Je vais réunir ses frères et leur faire part de
ce que tu m’as appris. Nous déciderons de la suite d’un avis commun.
Que Dieu te
garde sain et sauf.
Cette lettre, si peu chaleureuse, mit Guilhem mal
à l’aise. Bartolomeo avait aussi rencontré Guillaume à Villemur. L’aîné
d’Amicie lui avait donné l’impression d’ignorer l’emprisonnement et la fuite de
sa sœur. Il avait assuré Bartolomeo qu’il préviendrait son frère Arnaud et lui
avait remis une lettre pour Amicie, lui promettant d’envoyer une litière et une
escorte afin de la conduire à Villemur.
À la fois vague et abrupte, la missive fâcha et
inquiéta la dame de Saverdun. Heureusement, Alaric lui apporta de bonnes
nouvelles.
Les seigneurs et chevaliers de Montaut,
Saint-Quirc, Abatut et Lissac avaient répondu qu’ils la reconnaissaient comme
leur suzeraine et qu’ils viendraient lui prêter hommage. Les autres vassaux
s’étaient seulement engagés à rester neutres et à ne rejoindre Gilabert que si
celui-ci était reconnu seigneur de Saverdun par le comte de Foix et Raymond de
Saint-Gilles.
Ces décisions rassurèrent Guilhem. Raymond-Roger
de Foix était belliqueux et violent, mais c’était aussi un habile politique. Il
tenterait de trouver un compromis avec le comte de Toulouse.
Guilhem s’entretint aussi avec Peyre Adhémar, son
voisin. Peyre Adhémar était le chevalier templier ayant la garde de l’église du
Temple et du moulin sur l’Arrats. Guilhem et Peyre s’étaient combattus, Guilhem
l’avait emporté, mais après un accord honorable, la rancœur avait laissé la
place à de l’estime et même à une forme de fraternité d’armes.
C’est lors d’un dîner dans le moulin, en tête à
tête, que le templier aborda
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