Montségur, 1201
extraordinaire
essor, contrôlant rapidement des centaines d’abbayes. Selon lui, le chemin de
Dieu passait par la pénitence et la confiance dans l’amour divin. C’est lui qui
avait rédigé la règle des templiers et c’est un pape cistercien qui avait
prêché la deuxième croisade.
Bernard de Clairvaux avait choisi de renforcer le
pouvoir temporel de l’Église pour imposer le message de l’Évangile. Il avait
été à l’avant-garde de ceux qui combattaient les théories manichéennes des deux
principes.
— Le Temple est issu de Cîteaux, remarqua
Guilhem. S’il y a rivalité, votre choix sera sans ambiguïté.
— Apparemment. Mais en Orient, notre ordre a
découvert d’autres connaissances et s’est éloigné de l’intransigeance de
Cîteaux. Nous savons qu’il y a plusieurs façons d’honorer Dieu et que Notre
Seigneur peut avoir d’autres noms. Cluny a toujours défendu la connaissance,
contrairement à Cîteaux. Cela nous a rapprochés.
— Le Temple a aussi noué de profitables
relations financières avec Cluny, ironisa Guilhem.
— Aussi. Savez-vous qu’il y a aussi un nouvel
abbé à Cîteaux ?
— Je ne m’intéresse guère aux abbés !
plaisanta Guilhem.
— Vous devriez, répliqua le templier d’un ton
égal. Il se nomme Arnaud Amaury. C’est un homme de ce pays. Ce que je sais de
lui, c’est qu’il luttera de toutes ses forces contre l’hérésie cathare en
s’appuyant sur notre saint pontife, Innocent III.
Un silence pesant s’installa. À Marseille, Guilhem
avait approché Michel de Castellaire, un juge qu’Innocent III avait envoyé
en Provence comme commissaire pontifical chargé de lutter contre l’hérésie.
Castellaire avait tenté de l’assassiner et Guilhem savait que le nouveau pape était
prêt à tout pour que ses ambitions triomphent. Guilhem songeait aussi à ce que
lui avait dit Simon de Montfort à Paris, l’année précédente : « Ne
vous compromettez pas avec Raymond de Saint-Gilles qui protège des hérétiques.
Un jour, la colère de Dieu s’abattra sur son pays et sur tous ses
vassaux ».
Vidant son verre, il trouva au vin un goût
d’amertume.
— Il y a autre chose, déclara alors Peyre
Adhémar. Un cousin de Bernard de Montaut est vassal de Saverdun. Étant venu à
la messe ici, il y a vu Amicie de Villemur.
— Elle m’a demandé l’hospitalité, après la
mort de son mari.
— Bernard de Montaut pourrait être de bon
conseil, suggéra le templier.
— Je dois lui porter les dix marcs d’argent
de la redevance du fief pour l’Assomption de Notre-Dame. Je lui parlerai à
cette occasion, approuva Guilhem qui avait compris le message.
Quelques jours plus tard, un étranger passa à
Lamaguère. Bien qu’à l’écart de la route d’Auch, le fief était une étape sur la
route entre Toulouse et Tarbes, ou pour ceux qui allaient d’Armagnac au comté
de Foix. Les voyageurs n’étaient donc pas rares et personne ne fit attention à
celui-là. Chaque semaine, des colporteurs proposaient leur marchandise et
achetaient étoffe ou miel, des pèlerins y passaient la nuit, des chevaliers et
des marchands y faisaient halte et des Parfaits venaient y prêcher.
Celui-là disait être pèlerin, bien qu’il eût le
visage rude des guerriers. Il emplit sa gourde, reçut un morceau de pain de
seigle et, avant de partir, rapporta des nouvelles entendues le long de sa
route. Il expliqua venir de Béziers.
Tout n’était que mensonge, et seul celui à qui il
demanda d’agir le sut.
Ce dernier dut se justifier, expliquer au faux
pèlerin qu’il n’avait rien pu faire, jusqu’à présent. Mais, pour cent sous
d’or, il s’engagea à faire disparaître Amicie de Villemur.
Chapitre 5
D e
la ville d’Auch, Geoffroi avait ramené un sac de soufre. À son retour,
Bartolomeo tenta de composer le mystérieux mélange qu’il avait vu faire par
Nedjm Arslan. Au début, il ne parvint même pas à l’enflammer mais, en utilisant
de l’esprit-de-vin, comme le lui conseillait Guilhem, il fabriqua une poudre
qui brûlait en dégageant beaucoup de fumée. C’était un premier résultat.
Les moissons eurent lieu à cette époque et furent
généreuses. D’ailleurs, depuis le début de l’année, c’est toute la seigneurie
qui était prospère. Le long de l’Arrats, Geoffroi avait fait creuser un vivier
qui fournissait des poissons à profusion pour ceux qui refusaient la viande.
Pour les autres, les fermes
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