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Montségur, 1201

Montségur, 1201

Titel: Montségur, 1201 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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balançait au rythme de leur musique et il en fredonnait
les paroles, il parlait peu et écoutait beaucoup. S’il paraissait d’un
caractère égal, enjoué même, il s’efforçait de rester toujours maître de
lui-même. Guilhem observa cependant que les rares fois où un de ses vassaux ne
l’approuvait pas, il plissait les yeux et sa figure prenait furtivement une
expression méfiante. Souvent, il dissimulait ce sentiment échappé malgré lui
par un éclat de rire étouffé.
    C’était un homme qui savait dissimuler, et s’il
paraissait souple, il ne l’était pas, jugea Guilhem. Aucun doute qu’il était un
archevêque entier, opiniâtre et rétif.
    Durant le banquet, le seigneur de Lamaguère parla
peu avec ses voisins, sinon à Bernard d’Astarac, qu’il connaissait, et qui
paraissait savoir qu’il s’était rendu en Angleterre. Les services se
succédaient, tous plus imposants les uns que les autres : brochets farcis
de belle taille, daims fourrés de petits oiseaux ou faisans rôtis recouverts de
leurs plumes.
    Le repas terminé, Bernard de Montaut décida
d’interpréter quelques passages d’un chant dont il venait de recevoir le livre
manuscrit en langue d’oc. S’installant au milieu des deux tables, il se fit
porter une harpe, instrument dont il jouait admirablement.
    — Révérends pères, très hauts et puissants
seigneurs, nobles et gracieuses dames (il y avait quelques femmes) beaucoup
d’entre vous connaissent le conte que je vais vous narrer. J’en dirai quelques
mots pour les autres : c’est un récit dont la matière vient de Bretagne.
Il a été composé par le courtois troubadour Chrétien à la demande de Marie de
Champagne, fille de noble duchesse d’Aquitaine et épouse du puissant comte de
Flandre.
    « Chrétien, qui vivait à Troyes, a écrit
plusieurs chants sur les héroïques quêtes des gentilshommes qui entouraient le
roi Arthur. Cette histoire est celle d’un beau et gracieux chevalier errant
qui, pour l’amour de sa dame, la reine Guenièvre, noble épouse du roi Arthur,
acceptera des épreuves où il fera preuve de vaillance, de fidélité, et surtout
de véritable humilité. Une rare vertu dont les saints Évangiles nous disent
pourtant qu’elle est la plus belle des qualités, car elle nous ouvre la porte
du royaume des Cieux.
    Il s’interrompit un instant pour passer
l’assistance en revue. Satisfait de voir qu’il retenait l’attention, il
poursuivit :
    — Ce chevalier se battra seul contre vingt
pour sauver sa dame, mais surtout, privé de son vaillant palefroi, tout sol
à pié , il acceptera, malgré sa honte, de voyager dans une vileine charrette, une charrette d’infamie [17] ,
en compagnie d’un nain.
    « Voilà pourquoi ce gracieux chant s’appelle
le Chevalier de la charrette , mais l’humilité dont ce chevalier fera
preuve sera aussi la plus belle preuve d’amour. Si j’ai choisi cette histoire,
ce soir, c’est pour vous rappeler que cette humilité dont nous manquons souvent
est une preuve d’amour envers Notre Seigneur. Le chevalier de la charrette
l’accepte pour entrer dans le monde des chevaliers de la Table ronde.
    «  Que de la honte ne li chaut, Des que
amors comande et velt. Nous devons faire de même pour nous montrer digne du
royaume des Cieux.
    L’archevêque s’adressa alors à Guilhem en le
désignant.
    — Je ne joue que de la harpe, mais nous avons
parmi nous un vaillant chevalier qui est aussi un gentil troubadour. Je demande
donc au noble seigneur de Lamaguère de m’accompagner avec une viole, dont je
sais qu’il joue à la perfection.
    Guilhem ne s’attendait pas à la proposition et se
leva surpris. C’était un immense honneur d’accompagner ainsi le puissant
archevêque. Prenant la viole que lui tendait un domestique, il se mit en
retrait de Bernard de Montaut qui commença son chant.
    Quelques années plus tôt, lors du mariage de
Raymond de Saint-Gilles à Rouen, Guilhem avait entendu l’histoire du Chevalier
de la charrette, mais le récit était fait par un trouvère, en langue d’oïl, et
il n’en avait pas entièrement compris les nuances. La version de Bernard de
Montaut était en langue d’oc et il l’écouta avec attention, en suivant, avec sa
viole, les rythmes du chant et de la harpe.
    L’histoire étant très longue, l’archevêque ne
chanta que les premières épreuves du chevalier, jusqu’à son arrivée à la cour
d’Arthur, quand il retrouvait son véritable nom :

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