Montségur, 1201
ça.
C’est la veille de la Saint-Martin [21] qu’elle put se lever, sortir de
sa chambre et faire quelques pas dans la cour, appuyée sur un bras de Guilhem,
qui ne la quittait pas.
À partir de ce jour, Amicie reprit rapidement des
forces et, en quelques semaines, elle retrouva sa beauté et son énergie.
Seulement, elle avait changé. Elle avait vu la
mort de près et, après les discussions qu’elle avait eues avec Pons et Corona,
elle était persuadée de n’être encore de ce monde que par la grâce du
Saint-Esprit. Ayant le choix entre retomber dans le péché, pratiquer l’ endura ou rester Parfaite, elle décida de rester Parfaite.
Guilhem avait beau lui répéter que seuls les soins
reçus et sa volonté de rester vivante l’avaient sauvée, elle demeurait dans ses
certitudes. Elle acceptait pourtant sa présence près d’elle avec un plaisir
évident, sans se douter que s’il restait si souvent à ses côtés, c’était moins
pour la convaincre de renoncer à ses vœux que parce qu’il craignait une
nouvelle entreprise de celui qui avait voulu la tuer.
Jamais ils n’avaient été si proches. Sauf la nuit,
où elle restait dans sa chambre avec Ermessinde. Leurs anciens liens charnels
s’étaient transformés, pour elle tout au moins, en une fraternité d’âmes.
Comprenant qu’elle ne reviendrait pas sur ses
engagements, Guilhem se décida à envoyer un messager à Raymond de Saint-Gilles.
Il écrivit une brève missive que Bartolomeo porta. Son ancien écuyer,
accompagné de Jehan le Flamand, était aussi chargé de raconter au comte
l’attaque des frelons et la conversion d’Amicie de Villemur.
Bartolomeo revint quelques jours plus tard avec
une lettre de Raymond, très différente, dans son ton, de la précédente.
Raymond,
comte de Toulouse à Guilhem d’Ussel, seigneur de Lamaguère, salut.
Mon cœur est
affligé de ce que je viens d’apprendre. Si je bénis le seigneur pour nous avoir
gardé dame Amicie de Villemur, je désapprouve le choix qu'elle a fait. J’espère
que Dieu, par sa grâce lui donnera l’inspiration qui la fera revenir dans notre
Église.
Je
rencontrerai ses frères et j’enverrai un messager à son beau-frère et à mon
cousin, le comte de Foix. Sois sûr, noble Guilhem que je ferai tout pour faire
triompher le bon et juste droit de dame Amicie. Qu’elle reste jusque-là sous ta
bonne garde. J’espère que Notre Seigneur nous donnera matière pour pouvoir
t’écrire bientôt de bonnes novels.
Sois certain,
noble Guilhem, que je serai toujours là pour te protéger, soit par mes paroles,
soit par mes actions.
Dieu te
conserve pendant longtemps, mon seigneur et mon ami, comme il l’a déjà fait.
La chaleur de la missive troubla Guilhem. Le comte
était à l’évidence satisfait que le projet de mariage entre lui et Amicie soit
abandonné.
Tout s’était déroulé sans anicroche. Pourtant,
l’homme était préoccupé.
Il avait facilement trouvé un nid de frelons qu’il
avait transporté sur la branche, au-dessus du chemin conduisant à la clairière,
la promenade préférée de dame Amicie. Personne ne l’avait vu.
Plus tard, quand il avait appris que dame Amicie
allait se rendre à la clairière, sans le seigneur, il s’était précipité
jusqu’au chêne en passant par les bois. La perche était prête et il avait fait
tomber le nid à l’instant où les femmes passaient, avant de revenir au château
sans qu’on le remarque.
Seulement, dame Amicie n’était pas morte.
Heureusement, personne n’avait soupçonné son forfait, mais son maître allait-il
lui donner les cent sous d’or promis ? Et surtout, comment trouver un
moyen de s’éloigner de Lamaguère ?
Pendant que l’assassin s’inquiétait ainsi, Guilhem
cherchait à le découvrir. Il s’entretint à plusieurs reprises avec ceux qu’il
avait informés du crime, pour apprendre ce qu’ils avaient découvert. Il se fit
raconter plusieurs fois par Amicie comment elle s’était évadée de Saverdun et
ce qui s’était passé durant sa fuite jusqu’à Lamaguère.
Vinrent les fêtes de la Nativité qui se
déroulèrent dans une grande allégresse. Tous étaient heureux que dame Amicie
ait retrouvé vie et santé, même si une ombre de mélancolie traînait souvent sur
son visage. Elle était désormais encore plus aimée et respectée, puisqu’elle
était la seule Parfaite du pays.
Mais le jour des rois [22] , elle annonça à Guilhem qu’elle
ne
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