Montségur, 1201
les
cris et les vivats de l’assistance. Immédiatement son écuyer et des serviteurs
vinrent ramasser le vaincu, inconscient, pour le conduire dans une tente. Le
vainqueur se rendit devant le comte pour recevoir son prix, des éperons d’or et
de cuivre, puis auprès du juge d’armes pour réclamer le cheval et les armes du
vaincu.
Les cors retentirent à nouveau et un autre combat
se prépara, cette fois dans le champ clos. Ce n’était pas un duel avec bâtons
et harasses, comme la veille, mais une véritable bataille à l’épée et au
marteau d’armes. Les combattants se préparaient en riant et plaisantant. Ils
seraient trois contre trois.
Le héraut d’armes rappela les règles. Les
combattants n’avaient pas le droit de se frapper au visage avec les marteaux ou
de donner des coups d’estoc avec leurs épées. Si l’un d’eux était incapable de
se remettre sur pied, il serait déclaré vaincu et ses armes seraient offertes à
son vainqueur. Le combat devait cesser aussitôt que le juge d’armes lancerait
son bâton pour empêcher une inutile effusion de sang.
Tout chevalier violant ces règles, ou enfreignant
d’une manière quelconque les règles d’honneur de la chevalerie, s’exposait à
être dépouillé de ses armes, à voir son écusson renversé et exposé à la
dérision du peuple.
Au son du cor, le combat commença. C’était un
spectacle splendide que de voir ces six chevaliers richement armés se battre
ainsi avec une rude violence.
Des hommes d’armes et des écuyers étaient
agglutinés contre une barrière. Alaric était avec son cousin. Avec forces cris
et exclamations, tous deux encourageaient l’un des groupes de chevaliers. Sans
doute avaient-ils parié sur eux. C’était la première fois qu’Alaric assistait à
un tournoi de ce genre, n’ayant vu jusque-là que des joutes amicales à
Lamaguère. Guilhem les rejoignit et quand Alaric découvrit son maître près de
lui, il se tut, brusquement confus.
— Avez-vous besoin de moi, seigneur ?
demanda-t-il.
— Non, Alaric.
Guilhem s’intéressa un instant à l’affrontement,
puis regarda dans les tribunes. Sur les gradins, Vladislas de Valachie
paraissait s’ennuyer. Avait-il rompu des lances avec l’ambassadeur du roi
d’Aragon ? Le comte Raymond ne se passionnait pas plus pour les
combattants qui maniaient leurs armes comme des cognées de bûcherons, ponctuant
leurs charges de Han ! sonores et essoufflés.
Le combat était âpre et acharné. Des étincelles
jaillissaient quand les épées heurtaient le fer des masses d’armes. Les visages
étaient baignés de sueur. Soudain, l’un des tenants tomba sous un violent coup
de marteau, tandis qu’un autre fut déséquilibré par le fléau de son assaillant
qui l’avait atteint au genou. L’homme au marteau s’apprêtait à écraser la tête
de sa victime quand le juge d’armes interposa la longue baguette qu’il tenait
pour indiquer la fin du combat. Acceptant de mauvaise grâce, l’assaillant
recula.
Il y eut quelques vivats, tandis que les vaincus
se retiraient sous les quolibets. Écuyers et valets aidaient leurs maîtres
étourdis et blessés.
Le vainqueur leva son casque et confia son écu à
un sergent avant de s’avancer vers les gradins où Raymond lui remit comme prix
un couteau de chasse à poignée de bronze terminée par une tête d’ours. Ses deux
compagnons reçurent chacun une bourse de pièces d’argent. Puis une dame tendit
son ruban vert à celui qui avait manié le fléau. Sans doute avait-elle apprécié
sa vigueur et sa force brutale. Gonflant le torse, il le prit et l’attacha à sa
manche, balayant l’assistance d’un regard de fierté.
Sous une tente, des serviteurs déshabillaient les
blessés qu’un médecin s’apprêtait à panser. Une dame les avait rejoints. Elle
pleurait. Sans doute était-elle une épouse qui aurait désormais un mari
estropié.
Guilhem s’éloigna du champ clos et se dirigea vers
le portail de la clôture. Il sortit. Sur le pilori, on avait retiré le
condamné, mais peut-être était-il simplement mort de froid. Il aperçut alors un
groupe de cavaliers qui arrivait, bousculant sans égards et éclaboussant de
boue neigeuse les manants sur son passage.
Il grimpa sur une butte pour éviter qu’ils ne le
salissent et reconnut les armes des Beaumont et de Saverdun sur les écus et les
rondaches. La troupe comprenait sept hommes, tous solidement armés. Un seul
était en haubert avec un
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