Montségur, 1201
de la confession, intervint Guilhem. D’autres ont dû voir les moines
partir et, eux, nous parleront. Pourquoi vous obstiner ? Souhaitez-vous
ruiner votre salvetat ?
Le prieur soupira. Il n’avait pas le choix et le
savait.
— Ils sont partis seuls. Ils n’étaient que
trois, avec leurs ânes. Je les ai accompagnés un moment.
— Quelle direction ?
— Au sud, vers Foix. Ils n’ont pas passé
l’Aussonelle.
— Foix ? Qu’allaient-ils faire
là-bas ? Suivaient-ils Esclarmonde ?
Le prieur haussa les épaules. Il l’ignorait.
Ils quittèrent le couvent et retournèrent à
l’Aussonelle. Des sergents à pied avaient rassemblé des vilains, des esclaves
et des valets et leur faisaient longer la rive, des deux côtés, vers la
Garonne.
Ils étaient là depuis peu quand un valet revint
tout excité. Il rapportait le manteau à la croix teutonique, trouvé en aval,
accroché à une branche.
Les recherches se poursuivirent aux alentours.
Pendant ce temps, Guilhem et Eschenbach revinrent au château se changer, car
ils étaient toujours trempés.
Vers midi, Alaric vint les prévenir qu’on avait
retrouvé le corps du seigneur Tannhäuser et qu’on le transportait à la chapelle
du couvent.
Immédiatement, Guilhem, Eschenbach et le capitaine
de gardes s’y précipitèrent. Tannhäuser était allongé sur une table et des
moines le nettoyaient.
Guilhem l’examina. Il n’y avait aucune blessure de
flèche ou de lame. Tannhäuser paraissait s’être tout simplement noyé. Il avait
quelques contusions, dont une au front qui avait un peu saigné, mais sans doute
avait-il heurté une branche ou un rocher en étant emporté par les flots.
— Il a voulu traverser, fit Rainier de
Clavel. Peut-être celui qui l’attendait était-il de l’autre côté. Seulement, il
a lâché la corde et le flot l’a emporté. Guilhem n’en croyait pas un mot, mais
il n’aurait servi à rien de refuser cette explication qui arrangeait tout le
monde.
Eschenbach prit des dispositions pour les obsèques
et ils rentrèrent tristement au château.
C’est alors que Guilhem remarqua que la tente des
Valaques n’était plus là. Le comte Dracul était parti, lui aussi.
Chapitre 16
S outenant
la litière, les mules étaient précédées de Jourdain de Salsigne et du sergent
d’armes porteur de la bannière des comtes de Foix. Esclarmonde était la plupart
du temps accompagnée par son médecin et parfois par son clerc à qui elle
dictait des lettres qu’il notait sur des tablettes de cire.
Amicie, accompagnée du diacre, les suivait. S’ils
étaient tous deux Parfaits, elle n’avait reçu que le consolamentum des
mourants et avait tout à apprendre des dogmes et des rites de la religion
cathare, aussi lui avait-elle demandé de l’instruire.
Un peu plus loin cheminaient Ermessinde, souvent
avec l’écuyer Limoux qui lui comptait fleurette, bien que la servante,
crachante et toussante, n’eût guère envie de l’écouter.
Derrière eux marchaient les valets et les
servantes qui caquetaient et chantonnaient joyeusement. C’étaient eux qui
menaient les mules et les mulets porteurs de bagages. Plus loin encore, Roger
et les arbalétriers parlaient bataille, défis et puterelles. Le convoi se
terminait avec le second sergent d’arme porteur de lance.
Ils arrivèrent au Touch vers 9 heures. Le ruisseau
avait gonflé et ils perdirent du temps pour trouver un gué praticable.
Après l’avoir franchi, ils s’arrêtèrent dans un
vallon et dînèrent de pain et de fruits séchés, avant de reprendre le chemin
raviné et boueux. Ils avaient plus de quatre lieues à faire avant Muret et, à
l’allure des mules et des piétons, ils y seraient à peine à la nuit.
Ils arrivèrent en effet à la nuit tombante en
ville. Au sommet d’une tour flottait la croix écarlate des comtes de Comminges.
Muret avait d’abord été un castrum sur le
promontoire dominant le confluent de la Louge et de la Garonne. Quelques
maisons de colombages et de torchis s’étaient construites autour et le seigneur
avait autorisé un marché aux herbes. Enfin un rempart avait été édifié pour
protéger la petite cité des exactions des Toulousains.
Au carrefour des rivières et des chemins vers
l’Aquitaine, le comté de Foix et l’Espagne, l’endroit avait rapidement pris de
l’importance et le castrum était devenu un château. Lorsque l’héritière de la
seigneurie avait épousé le comte de Comminges,
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