Montségur et l'enigme cathare
curé de Rennes-le-Château, a éclipsé
complètement l’abbé Boudet, curé de Rennes-les-Bains, son confrère et néanmoins
ami, qui a eu le tort de mener une vie simple et exempte de tout scandale.
On aurait tort de négliger Rennes-les-Bains. C’est une étonnante
petite station thermale rongée par le temps et qui se désagrège lentement dans
l’indifférence des quelques curistes qui viennent encore « prendre les
eaux » [13] . Cette petite bourgade
nichée dans la vallée, dans un creux de verdure qui fait contraste avec l’aridité
du plateau avoisinant, possède un charme étrange, parfaitement désuet, au goût
de passé révolu pour lequel on éprouve une nostalgie non dénuée de plaisir. Là,
on se sent dans un autre univers, en un autre siècle, dans un calme douillet
que seul vient troubler le bruit des chutes d’eau du Sals dont le cours
traverse la ville dans toute sa longueur et qui vient nous rappeler
opportunément l’existence de nombreuses sources salées.
À Rennes-les-Bains, il y a en effet une source thermale dite
« Bain de la Reine », avec une tradition qui prétend qu’elle est
ainsi nommée à cause de la reine Blanche de Castille, qui serait venue s’y
soigner. C’est une eau qui sort à 41°, qui a une saveur franchement saline, et
son analyse fait apparaître une teneur assez forte de chlorure de sodium. Un
peu plus loin, à la source de la Madeleine, ou de la Gode, une composante
sulfureuse s’ajoute au sel. On sait qu’aux alentours des sources d’eaux salées,
il y a eu, dès l’époque gauloise, d’importants lieux de culte, comme en
témoignent les Fontaines salées, à Saint-Père-sous-Vézelay, en Bourgogne, ou
Salins, dans le Jura, non loin de l’authentique Alésia, qui est une
forteresse-sanctuaire. Cela confirme le rôle de Rennes-les-Bains, véritable
centre religieux de tout le Razès. Ici se concentrent d’étranges souvenirs :
celui de Blanche de Castille, encore une fois, et par derrière, l’ombre de la
Dame blanche, autrement dit la Fée des Eaux qui réside dans une grotte, image
folklorique d’une ancienne déesse des temps druidiques ; le souvenir de
Marie-Madeleine, personnage parfaitement obscur dont la légende prête à des
commentaires pouvant mener très loin ; celui enfin d’une entité divine que
l’on connaît, grâce à César qui la nomme Apollon, et qui est non pas un dieu
solaire, mais un Apollon Grannus (dont le nom
se retrouve à Granès), équivalent du dieu irlandais Diancecht, celui qui, pour
guérir les blessés ou ressusciter les défunts, avait constitué, selon un récit
épique en gaélique, une « Fontaine de Santé » [14] .
Et puis, l’église mérite qu’on s’y arrête. On y accède sous
une voûte, et lorsqu’on y pénètre, on a vraiment l’impression de se trouver
dans un lieu de recueillement et de prière, et non pas dans un bazar, comme à
Rennes-le-Château. Cette église est d’une simplicité qui confine à l’austérité
janséniste. Restaurée pour l’essentiel, tenue en bon état et non encombrée d’élucubrations
diverses, elle parle à ceux qui savent l’écouter. Et aussi à ceux qui savent
regarder. Car il y a là un bien étrange tableau, assez ancien, qui représente Le Christ au lièvre . Il s’agit d’une peinture
offerte à l’église par Paul-Urbain de Fleury, comme tant d’autres œuvres
données à des sanctuaires par des bienfaiteurs. Mais ce Christ au lièvre ne doit pas être là par hasard. On
s’aperçoit d’ailleurs que c’est une copie un peu modifiée et surtout inversée d’une toile peinte par Van Dyck en 1636, laquelle
est conservée au musée des Beaux-Arts d’Anvers.
Quant au cimetière, il renferme une curieuse tombe, ou plutôt
une double tombe : en effet, on y découvre deux sépultures attribuées au
même homme, le donateur du tableau, Paul-Urbain de Fleury, dont les dates de
naissance et de décès gravées sur les monuments sont contradictoires, et où se
lit cette inscription : « Il est passé en faisant le bien », inscription
incontestablement d’inspiration rosicrucienne. Pourquoi ces erreurs de dates
volontaires ? Pourquoi deux tombes pour un seul et même individu ? Laquelle
des deux est la bonne ? Autant de questions que devraient se poser tous
ceux qui sont en quête du « Trésor ».
Il existe aussi, plus au nord, sur la route qui va de Couiza
à Arques, sur le territoire de Peyrolles, une tombe isolée qui a
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