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Morgennes

Morgennes

Titel: Morgennes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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aussi Sibylle, que je préfère vivante et enfermée, plutôt que morte… et mêmement enfermée !
    Il aurait voulu être changé en femme. « Si je pouvais, se disait-il, me transformer en l’une d’elles, et rejoindre, pour le restant de ma vie, ce lieu où ses pas résonnèrent… Que me chaut d’être un homme, si c’est pour être loin de ma Sibylle ! »
    Notre petite troupe s’installa hors de l’enceinte de Béthanie, où les hommes pouvaient pénétrer, mais non séjourner – ni même passer la nuit. Les nonnes nous avaient donné du pain et un chaudron de lentilles assaisonnées de lard, dont nous nous régalions en silence. Soudain le comte repoussa son plat, auquel il n’avait pas touché, et déclara à l’intention de Morgennes :
    — Si tu veux t’approcher de ces hommes, ces Templiers, il faut que tu sois chevalier… Et moi, j’ai le pouvoir de t’adouber.
    Morgennes s’arrêta de manger et regarda le comte, qui poursuivit, une lueur dans les yeux :
    — Je ferai de toi le mieux doté de tous les chevaliers du royaume, si…
    Qu’allait-il demander, lui qui le matin même n’hésitait pas à conspuer Dieu ?
    — … si tu me rends ma femme !
    Je compris alors que la lueur qui flamboyait dans les yeux du comte n’était pas celle de la fièvre, ni celle de la douleur, mais celle de la démence. Cet homme était tout bonnement fou à lier.
    — Voulez-vous, s’enquit Morgennes, que nous pénétrions à l’intérieur du monastère, pour voler la dépouille de Sibylle ?
    — De quelle dépouille parles-tu ? Ce n’est qu’un paquet d’os et de chair, dont je n’ai rien à faire. Je te parle de son âme ! Ramène-la-moi, trouve un moyen d’entrer au Paradis, et sors-en Sibylle !
    — C’est impossible, dit Gargano.
    — Laisse, lui murmurai-je à l’oreille. Tu ne vois donc pas qu’il souffre ?
    Je bus une rasade de vin, m’essuyai la bouche d’un revers de manche et marchai vers Thierry d’Alsace :
    — Cher comte, je vous promets, sur mon honneur et sur mon âme, que s’il existe un moyen de sauver Sibylle je le trouverai…
    Morgennes m’approuva.
    — Merci, dit le comte.
    — Maintenant, vous devriez aller vous coucher. La nuit porte conseil…
    — Vous avez raison.
    Le comte se retira en titubant dans le chariot. Quand il en eut refermé les rideaux derrière lui, Nicéphore se tourna vers moi :
    — La mort de Sibylle était inévitable.
    — Pourquoi ?
    — Parce que j’ai lu vos poèmes, et qu’ils sont magnifiques. Je pense qu’elle aurait cédé… Aucune femme ne peut résister à autant de talent.
    — Aucune ? Vraiment ?
    Je n’osais poser les yeux sur Philomène, qui mangeait en face de moi, de l’autre côté du feu. Mais Nicéphore semblait sûr de lui et il hocha la tête.
    — J’en connais au moins une qui n’a pas cédé, dis-je.
    — Puis-je vous poser une question ? poursuivit Nicéphore.
    — Bien sûr.
    — Pourquoi avez-vous cessé de jongler, depuis que vous êtes avec nous ?
    — Parce que j’avais pour habitude de ne jongler qu’avec les œufs de Galline…
    — Et qu’elle n’a plus jamais pondu, ajouta Morgennes.
    — Eh bien, pourquoi ?
    Je toussai deux ou trois fois, caressai ma petite poule rousse d’une main distraite, et répondis :
    — Je crois qu’elle est traumatisée…
    — Traumatisée, une poule ?
    — Galline, c’est Galline. Elle a peut-être, comme toutes les poules, des plumes ; il est vrai qu’elle caquette, picore, mange des grains et du pain dur, des petits cailloux et des vers, mais pour moi c’est Galline, à nulle autre pareille…
    — Je comprends très bien, dit Gargano.
    — Si elle vous est si précieuse, et puisque vous êtes si bon jongleur, que s’est-il passé alors, à Arras ? demanda Nicéphore.
    Je ne répondis pas immédiatement, fasciné par le jeu des flammes, tantôt rouges, tantôt bleues, qui montaient de notre feu de camp.
    Cette question, Morgennes me l’avait déjà posée, mais je ne lui avais pas répondu… Pourtant, oui. J’avais vu quelque chose. Mais je préférais ne pas en parler.
    — En tout cas, intervint Gargano, ce n’était pas à cause de Galline.
    — Comment le savez-vous ? demandai-je.
    — Elle me l’a dit.
    — Vous savez parler aux animaux ? intervint Morgennes.
    — Oui.
    — Et de quoi avez-vous parlé ? m’enquis-je.
    — Ma foi, surtout de la pluie et du beau temps. Mais aussi, bien sûr, de ce

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