Morgennes
terrain…
L’intérieur du phare était presque entièrement occupé par un escalier, aux parois ornées de dessins et de schémas divers. En les étudiant de plus près, Morgennes reconnut l’Arche de Noé, que des centaines d’hommes faisaient descendre, à l’aide de cordes, d’une grande montagne. D’autres croquis montraient des plans de l’Arche, comme si un ingénieur avait voulu en disséquer l’architecture. Tout cela était on ne peut plus intéressant, et Morgennes passa un certain temps à observer ces dessins.
Soudain, une voix le ramena à son devoir :
— Tu es en retard !
Morgennes tressaillit, et grimpa rapidement les ultimes marches de l’escalier.
— Pardon, fit-il. Je ne savais pas que vous étiez pressé.
— Je ne l’étais pas, mais je déteste boire mon thé froid.
Morgennes se pencha par-dessus la tasse, dont plus aucune vapeur ne s’échappait.
— Fais voir, ordonna Coloman.
Il lui prit la tasse des mains, et la porta à sa bouche. Puis, esquissant une grimace de dégoût :
— Apporte-m’en une autre !
Morgennes regagna les cuisines à toute allure, mais en trouva les portes closes. Tambourinant du poing, appelant, gueulant, Morgennes s’entendit répondre :
— Revenez demain, c’est fermé !
Déçu, il partit se coucher sur l’un des divans du rez-de-chaussée, et se réveilla dès l’aube, les membres endoloris et la tête sur l’épaule d’un autre apprenti milicien qui n’avait pas réussi, lui, à dépasser le deuxième étage…
— Si tu désires un peu d’aide, lui dit Morgennes, je puis t’en donner…
L’homme eut un geste de dédain et lâcha, dans un patois de franc mâtiné de nordique :
— Je préfère échouer seul que réussir avec toi !
— Très bien, lui dit Morgennes. Comme tu voudras.
Et il repartit en direction des cuisines, où nous nous retrouvâmes. J’en profitai pour lui faire part des incroyables recettes que j’avais découvertes :
— Savais-tu qu’on pouvait manger les œufs de fourmi ?
— Il n’y a rien sur le thé ? me demanda Morgennes.
— Si j’en crois les illustrations, plusieurs ouvrages abordent ce sujet. Mais ils sont dans des langues que je ne comprends pas…
— Tâche de te renseigner.
Sur ce, il alla demander à l’intendance un nouveau plateau et une nouvelle tasse de thé, mais on lui rétorqua :
— As-tu rapporté ceux d’hier ?
— Non.
— Alors, va les chercher !
Morgennes se rappela les avoir posés juste au pied du divan où il s’était allongé pour la nuit ; mais quand il revint à l’endroit où il avait dormi, ils avaient disparu.
— Ça alors ! Ce sera sûrement cette espèce de Nordique qui m’aura joué un tour…
Morgennes s’en alla donc à sa recherche, et finit par le trouver, errant au milieu des couloirs du deuxième étage. Il remarqua que le Nordique claudiquait, et qu’il portait bien un plateau et une tasse.
— Rends-moi ça ! lui dit Morgennes.
— Comment ? s’exclama le Nordique.
— C’est à moi !
Et il s’empara du plateau que tenait le Nordique. Mais ce dernier résista, ne voulant pas le lâcher. Pour finir, Morgennes lui envoya son poing sur la figure, et le Nordique partit à la renverse, en se tenant le nez.
— Voleur ! lui cria Morgennes.
Puis il redescendit dans la cuisine, où on lui remit en échange de sa tasse et de son plateau un autre plateau et une autre tasse. Cette fois-ci, Morgennes ne perdit pas de temps à explorer les recoins du palais, et partit en direction du phare. Malheureusement, arrivé au niveau du jardin, il courut si vite qu’il trébucha sur une racine et s’étala de tout son long, renversant son thé parmi l’herbe et les fleurs.
— Ne jamais se précipiter, bien sûr ! maugréa-t-il en se relevant, le genou endolori.
Alors, il redescendit, plateau et tasse bien en mains, et se présenta de nouveau aux cuisines, où on lui remit une autre tasse et un autre plateau, en échange des précédents.
Cette fois, il monta précautionneusement, mais sans aller non plus trop lentement – afin que le thé ne refroidît pas. Il aurait bien emprunté aux cuisines de quoi en faire, mais il s’était dit qu’on l’accuserait encore de biaiser. Malheureusement, quand il se présenta au sommet du phare, il s’aperçut que Coloman n’y était pas. Seul un esclave, muni d’un balai, était en train d’y faire le ménage.
— Où est Coloman ? demanda
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