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Mort à Devil's Acre

Mort à Devil's Acre

Titel: Mort à Devil's Acre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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des enfants. Surtout celui des garçons.
    Ross tressaillit.
    — Mon Dieu ! Je n’avais pas pensé à cela ! Notre
ignorance est criminelle. Je n’arrive pas à imaginer ce qui peut pousser un
être humain à agir de la sorte. Et pourtant il doit y avoir des milliers de
gens qui s’abandonnent à ces immondes pulsions, dans ma propre ville. Quand je
pense que je les croise peut-être dans la rue tous les jours…
    — Celui des garçons… répéta pensivement Balantyne.
    Après trente ans passés dans l’armée, il connaissait les
tendances perverses de certains hommes éloignés par force de leur foyer, du
fait de la guerre. Ces penchants contre nature étaient peut-être latents, avant
que la solitude et l’absence de femmes les amènent à passer physiquement à l’acte.
Mais de là à gagner sa vie en livrant des enfants à ces monstres…
    — Max vendait-il des petits garçons ? demanda-t-il.
    — Non, des femmes, je crois, répondit Brandy. Enfin, c’est
ce que disent les journaux mais ils n’auraient peut-être pas osé mentionner qu’il
obligeait des gosses à se prostituer. Les gens ne veulent pas en entendre
parler. On peut blâmer les femmes publiques, dire qu’elles sont immorales et
que tout ce qui leur arrive n’est pas de la responsabilité de la société. La
prostitution est vieille comme le monde et durera probablement aussi longtemps
qu’il existera. Nous pouvons fermer les yeux là-dessus ; les femmes bien
élevées affectent de ne rien savoir. Ainsi on ne leur demande pas de réagir. L’ignorance
est un bouclier très efficace.
    Le général songea soudain qu’il connaissait fort peu son
fils. Il émanait de lui une colère et une amertume qu’il n’avait jamais
remarquées auparavant. Le temps passait si vite ! Balantyne avait l’impression
de n’avoir pas changé ; il supposait donc qu’il en était de même pour
Brandy. La différence existant entre quarante-cinq et cinquante ans d’âge est
négligeable, alors qu’il peut y avoir un monde entre vingt-trois et vingt-huit
ans.
    Il observa la ligne de ses sourcils et de son nez, si
différente de celle d’Alan Ross ; très brun, des traits fins et réguliers,
une bouche entêtée et sensible. Un homme a tendance à s’imaginer que sa
progéniture lui ressemblera plus tard. Mais Brandy lui avait-il jamais
ressemblé ? À la réflexion, la réponse était peut-être négative.
    — Sommes-nous donc aussi superficiels ? dit-il à
haute voix.
    — Disons plutôt sur la défensive, corrigea Brandy. Nous
cherchons à nous protéger.
    Alan Ross passa sa main dans ses cheveux.
    — La plupart d’entre nous évitent de regarder l’insupportable,
dit-il d’une voix à peine audible. Surtout lorsqu’il n’y a rien à faire. On ne
peut blâmer une femme qui choisit d’ignorer que son époux fréquente des
personnes qui se prostituent – en particulier s’il s’agit d’enfants. Savoir que
ceux-ci sont de surcroît des garçons l’obligerait à quitter son mari. Or tout
le monde sait qu’un divorce ruinerait son existence. Même pour un esprit
progressiste, une femme divorcée cesse d’exister. Elle serait l’objet d’une
pitié intolérable, sans parler des ignominies que les moins charitables
pourraient s’imaginer sur son compte…
    Il secoua la tête avec vigueur.
    — Non, son seul choix est d’être de connivence avec son
époux, de garder le secret et de ne laisser, en aucun cas, lever son dernier
doute, le plus précieux. Elle ne peut guère se permettre autre chose.
    Pour une fois, Brandy ne trouva rien à répondre.
    Balantyne regardait la flamme des bougies du candélabre, essayant
de se représenter l’enfer vécu par une femme prise au piège d’une telle
relation, soupçonnant son conjoint, sans oser s’avouer la vérité. En fait, pour
sa propre survie, et celle de ses enfants, elle devait être la plus ardente
complice de son mari et l’aider à cacher son vice. Il ne lui était pas un
instant venu à l’esprit qu’Augusta fût autre chose qu’une épouse vertueuse et
comblée. Était-il si imbu de lui-même, aveugle et stupidement insensible ?
Ou était-ce simplement parce qu’il avait confiance en elle, et vivait une
certaine forme de bonheur conjugal ? Il n’avait jamais, de toute son
existence, approché une prostituée, même quand il était jeune soldat. Bien sûr,
il avait eu quelques maîtresses, avant son mariage, mais pour la joie du
plaisir partagé, en aucun cas

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