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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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l’année 1800. À Pozzolo, au cours d’une charge qui frisait la démence, Fournier eut son cheval tué sous lui et faillit connaître le même sort. Placé sur ses arrières, je participai à la mise en déroute des Autrichiens. Nous allions de victoire en victoire, et avec quel panache !

    La paix signée à Amiens avec l’Angleterre, l’année 1802, allait nous apporter un autre répit mérité.
    À la tête du gouvernement, le « petit Corse » n’avait pas oublié les hommes qui lui avaient été précieux en Italie. Il dit à Fournier, au cours d’une réception à Paris :
    – Grâce à votre bravoure, les premiers combats de cette campagne ont été des victoires.
    Fournier lui avait coupé la parole alors que le Premier consul comparait ses armées d’Italie aux légions romaines :
    – C’est à la république que Rome a dû sa grandeur. Sa décadence date de l’Empire !
    Bonaparte avait répliqué froidement :
    – Chef de brigade Fournier, taisez-vous ! On se croirait sur les bancs de l’école…
    Comme je lui reprochais cette altercation qui pouvait mettre fin à sa carrière, il me jeta :
    – Il a trop besoin d’hommes comme moi ! Je déteste ce général qui se prend pour un homme d’État. Tu verras qu’un jour il se fera empereur. Il déborde d’ambition…
    – Et toi d’orgueil. Ce défaut te jouera un mauvais tour.
    J’avais vu juste. François allait être affecté dans les Abruzzes, une des régions les plus déshéritées d’Italie, au centre de la Péninsule. Une mesure qui ressemblait fort à un blâme, sans qu’il puisse en déceler le motif.
    – Sûrement un coup de Bonaparte ! s’écria-t-il. Il a la rancune opiniâtre. Qu’est-ce que je vais foutre dans ce désert ?
    Je le suivis dans cette sorte d’exil où l’hiver est plus rude que chez nous, sans autre distraction que la chasse au loup, les beuveries et les coucheries. Le froid et le manque de fourrage nous firent perdre une vingtaine de chevaux que nous eûmes du mal à remplacer. Ce n’est qu’en février que nous reçûmes l’ordre de rentrer au pays.

    Une triste nouvelle m’attendait à Sarlat : mon père était mort quelques semaines avant que je ne quitte les Abruzzes. Il était tombé d’une échelle, s’était rompu la colonne vertébrale et n’avait survécu que quelques jours. Je me suis rendu sur sa tombe, dans le petit cimetière de Barsac où reposent nos ancêtres. J’ai fait graver son nom sur la stèle par un artisan de Villamblard.
    Ma mère m’avoua que, depuis mon départ, « il n’avait plus toute sa tête ». J’ai dû confier à notre métayer le plus proche, Pierre Lavergne, le soin d’aider ma mère à administrer notre domaine. Nous signâmes le contrat chez le notaire de Villamblard. Je lui faisais confiance ; j’allais m’en repentir.
    Je n’envisageai pas un instant de démissionner de l’armée pour prendre la relève. La guerre tenait ferme sa proie et je ne lui opposais aucune résistance.
    À Sarlat, où je le retrouvais, François se comportait comme un planteur revenu des Îles. Il portait la redingote et avait renoué avec les clients du Tapis vert et d’anciennes maîtresses, se flattait de ses exploits guerriers et entonnait, de sa belle voix de baryton, des chansons piémontaises.
    Désabusé après quelques semaines de cette vie bourgeoisestérile et sans horizon, il m’annonça qu’il allait « reprendre le collier » avant la fin de son congé.
    – Ces villes de province, me dit-il, sont des pièges pour les guerriers que nous sommes. Nous devons nous en méfier. Me suivras-tu ?
    Question superflue, j’avais déjà, et avant lui, le pied à l’étrier et le sabre au côté. Jeanne aurait aimé me parler d’Héloïse ; je lui avais répondu que je ne voulais même plus entendre prononcer son nom.

    Paris avait bien changé depuis notre départ pour la seconde campagne d’Italie. Sous l’autorité de Bonaparte, le Consulat tenait la capitale et le pays d’une main de fer qui effaçait l’impéritie du Directoire. La paix civile avait eu pour conséquences la reprise de l’économie, la stabilisation des prix et la fin des troubles dus à la disette.
    François me proposa d’abandonner ma mansarde pour m’installer à côté de chez lui dans un vaste meublé de la rue Notre-Dame-des-Victoires. Il avait fait un choix judicieux : quatre pièces, un mobilier bourgeois et une belle vue sur la bibliothèque de

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