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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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portes, nous allions rester quelques jours, jusqu’à la mi-juillet, dans une inaction fiévreuse qui affecterait notre moral, d’autant que la chaleur, sous les tentes et les cabanes de branchages, était insoutenable. L’eau potable manquait, mais pas le vin, si bien que, certains soirs, nous assistions à des rixes à couteaux tirés entre nos hommes.
    À la requête de Verdier, je fus appelé à participer à une étude approfondie des défenses, en vue d’un assaut mieux préparé que les précédents.
    Marcello Bandera nous avait informés des forces dont disposaient Palafox et la junte : cela donnait à réfléchir. Trois établissements religieux – Santa-Engracia, San-José et le couvent des Capucins – constituaient de véritables forteresses armées de canons. Si nous parvenions à nous infiltrer dans la ville, nous y laisserions beaucoup de nos soldats.
    Lefebvre-Desnouettes penchait pour une attaque du faubourg d’Arrabal, au-delà de l’Èbre, sur la rive opposée à la ville, où les Espagnols avaient massé des forces importantes. Inconvénient majeur : le pont, occupé par la troupe, était difficile à investir.
    En revanche, il nous fut facile, grâce à nos canons, d’envoyer par le fond les moulins construits en bois, tournant sur le fleuve pour alimenter la ville en farine. Saragosse était bien pourvue en céréales mais les moudre serait désormais une autre affaire.
    Pour le moment, nous allions nous contenter de ce modeste succès, acquis sans perdre un seul homme.

    Une autre bataille, victorieuse celle-là, nous mit du baume au cœur.
    Nous avions appris par Bandera qu’une colonne venait de Catalogne prêter main-forte aux assiégés. Le général Hubert se porta à sa rencontre sur la route de Lérida, lui livra combat entre Osera et Aguilar, la mit en déroute après une heure d’échauffourée et lança les Polonais de Chlopiki à leurs trousses jusqu’à Pina. En plaine, une fois de plus, nos armées semblaient invincibles.

    Dans les derniers jours de juillet, une nouvelle propre à affecter notre moral nous parvint de Madrid.
    Le 19 de ce mois, en Andalousie, près de la ville de Bailén, le général Dupont, en route pour Cadix où gisaient les épaves de notre flotte battue à Trafalgar, avait trouvé sur son chemin une armée anglo-espagnole commandée par les généraux Reding et Castaños. Après un simulacre de combat, dans l’attente d’un secours qui ne venait pas, il avait mis bas les armes.
    Cette capitulation d’une armée impériale en rase campagne resterait unique dans l’histoire de l’Empire. Les milliers de combattants français vaincus furent transférés sur l’îlot rocheux de Cabrera, au large de Majorque. Quelques centaines de survivants purent regagner la France quelques années plus tard.

    Pour assaillir le faubourg d’Arrabal, nous attendions le renfort annoncé par Madrid : un corps d’armée commandé par le général Bazancourt, doté d’une imposante artillerie et accompagné d’un convoi de munitions et de vivres qui serait le bienvenu.
    Alors que notre état-major préparait ces opérations, le général Verdier me chargea d’une tâche délicate et dangereuse : porter à Palafox un message l’incitant à nous ouvrir ses portes.
    – Je ne vous cache pas, me dit Verdier, que vous risquez d’être pris en otage, ou pire encore. Vous insisterez auprès de Palafox sur un point précis : lorsque notre artillerie se mettra en branle, Saragosse connaîtra l’enfer. Retenez bien ce mot : « l’enfer ». Vous pouvez refuser cette mission, si vous la jugez trop périlleuse. J’attends votre réponse.
    Je n’osai demander à Verdier ce qui l’avait incité à porter son choix sur ma modeste personne. J’aurais aimé me trouver à dix lieues de là, mais je ne pouvais me dérober sans risquer de passer pour une poule mouillée, ce que je jugeai contraire à ma nature.

    Flanqué d’une escorte de six hommes désarmés, un drapeau blanc au bout d’une perche, je demandai à entrer ; on me laissa passer. Nous traversâmes la ville sous les injures, les pierres et les crachats, en dépit de la présence d’officiers censés assurer notre sécurité, avant d’arriver à l’ancien palais de l’Inquisition occupé par la junte insurrectionnelle.
    Palafox, en tenue légère, ses manches de chemise retroussées, s’avança vers moi avec la mine d’un chien prêt à mordre. Il me toisa un bref instant, sans me proposer un

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