Napoléon
sièges ont été délicieusement reconstitués lors de la récente et si heureuse réfection du Grand-Trianon en style empire. Assurément, nous voyons aujourd’hui la chambre impériale et sa pièce voisine – le clair salon de déjeune où Napoléon prenait son premier repas – tels que l’Empereur les a appréciées en ce mois de décembre 1809. L’ensemble lui a certainement plu puisqu’il décide, dès son arrivée, la transformation des autres appartements. Cette nuit-là, il fait réveiller le conservateur et les gardiens du palais de Versailles pour choisir et accrocher sans plus tarder, les tableaux aux murs et commander de nouveaux aménagements – peut-être en se souciant déjà de sa future épouse qui se plaira d’autant plus à Trianon que rien ne lui rappellera, dans ce cadre moderne, le souvenir de Joséphine...
Hors ce travail de décorateur – un excellent travail car son goût était sûr et bon – il ne fera pas grand-chose les dix jours qui suivront. La vie du gigantesque empire semble suspendue. Il se rendra visiter Joséphine qui, à Malmaison, continue à sangloter. Pauline, en soeur trop complaisante, conduira près de lui la blonde Mme de Mathis. Mais ce qu’il appelle de « la petite amitié » lui suffit d’autant moins que la Piémontaise « n’a pas de désir ».
Une préoccupation autrement plus importante lui sert bien davantage de dérivatif : qui va-t-il épouser ? Marie Walewska ? Sa femme polonaise qui porte déjà un enfant de lui ?
Toutes mes pensées, avait-elle dit à Duroc et à Constant, toutes mes inspirations viennent de lui etretournent à lui : il est tout mon bien, tout mon avenir, ma vie !
Marie avait fait faire une bague pour l’Empereur : un anneau autour duquel elle a roulé une boucle de ses beaux cheveux blonds. À l’intérieur on lisait ces mots : « Quand tu cesseras de m’aimer, n’oublie pas que je t’aime. »
Elle seule pourrait succéder dans son coeur à la chère créole, mais ce serait là un mariage qui ne servirait point sa gloire. On ne régularise point une situation de ce genre, on n’épouse point une divorcée lorsqu’on s’appelle Napoléon ! Quant au petit bâtard qui allait naître, l’Empereur l’avait dit un jour à la princesse Jablonowska :
— Ne vous tourmentez pas pour le petit, c’est l’enfant de Wagram et il sera un jour roi de Pologne.
Avec sa discrétion habituelle – une réserve qui force l’admiration – au lieu d’afficher son bonheur de l’événement qui venait de déterminer l’Empereur à divorcer, elle avait préféré retourner à Varsovie, où elle reçut cette lettre datée de Trianon, le 18 décembre :
« Madame,
« J’ai reçu votre lettre. Tout ce qu’elle contient m’a fort touché. J’ai vu avec plaisir que vous étiez arrivée à Varsovie sans accident fâcheux. Ménagez une santé qui m’est bien précieuse. Chassez de sombres idées : l’avenir ne doit pas vous inquiéter. Donnez-moi souvent de vos nouvelles ; songez combien elles m’intéressent et apprenez-moi que vous êtes heureuse et contente ; c’est mon plus vif désir. »
Elle avait répondu, ne lui cachant pas ses craintes pour l’avenir. Il l’avait tranquillisée en ces termes :
« Madame,
« Je reçois avec beaucoup de plaisir de vos nouvelles, mais les idées noires que je vois que vous nourrissez ne vous vont pas bien. Je ne veux pas que vous en ayez. Apprenez-moi bientôt que vous avez un beau garçon, que votre santé est bonne et que vous êtes gaie. Ne doutez jamais du plaisir quej’aurai à vous voir, ni du tendre intérêt que je prends à ce qui vous regarde. Adieu, Marie, j’attends avec confiance de vos nouvelles. »
La lettre de l’Empereur est du 16 février, or, le 21 février, le comte Walewski écrivait avec élégance à celle qui portait toujours son nom :
« Chère et honorée femme,
« Walewice m’est de plus en plus à charge, mon âge et mon état de santé m’interdisent toute activité. J’y suis donc venu pour la dernière fois, afin de signer l’acte par lequel mon fils aîné s’en rend acquéreur. Je vous conseille de vous entendre avec lui pour les formalités à remplir lors de la naissance de l’enfant que vous attendez. Elles seront simplifiées si c’est à Walewice que ce Walewski voit le jour. Tel est aussi son avis et que je vous écrive. Je le fais conscient de remplir mon devoir, en priant Dieu qu’il vous ait en sa
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