Napoléon
force et l’adresse, peut terminer cette grande affaire, si elle peut être terminée. »
Mais, nous l’avons dit, Hercule a maintenant fait place à Jupiter ! Et Jupiter ne pense qu’au gigantesque blocus. Il faut faire de l’Europe une citadelle dans laquelle les marchandises anglaises ne pourront plus pénétrer ! Et l’Empire s’étendra encore. Depuis le 8 février. 1810, la Catalogne, l’Aragon, la Navarre et la Biscaye sont « provinces militaires françaises ». L’ambassadeur de France à Madrid en est simplement averti par les instructions de son ministre. Napoléons’étant contenté d’ajouter avec sa superbe maintenant habituelle :
— Vous le chargerez de déclarer au Roi que c’est ma volonté.
Don José primero n’affirmait plus, comme en 1808, qu’il fallait avoir confiance en lui-même :
— S’il en est autrement, avait-il menacé, si l’on veut établir des gouvernements militaires, je ne suis pas propre à cela ; je ne puis pas être témoin de la flagellation des Français et des Espagnols. Je m’enveloppe de mon manteau et il ne me reste plus qu’à me retirer.
Ce sont là des mots, car en 1811, le malheureux aîné du clan, fourvoyé dans la royauté, craint trop qu’on lui enlève son trône pour le rendre à Ferdinand, ou pour en faire un fauteuil de préfet ! Aussi, avale-t-il toutes les couleuvres impériales.
Si Joseph n’ose plus s’écrier qu’il est le successeur de Charles Quint, Louis se considère toujours comme le descendant des stathouders, et met une mauvaise volonté évidente à établir le blocus. Sans doute les sujets du roi Louis ne boivent-ils plus de café sucré tous les jours, sans doute le coton anglais leur fait-il autant défaut pour leurs tissus, que le sel anglais pour leurs salaisons, mais dès l’automne 1809, le blocus appliqué par les anciens Pays-Bas n’est plus qu’un mot. Napoléon exagère à peine en écrivant à Louis que le commerce se fait entre la Hollande et les îles Britanniques « comme au temps de la paix ». Aussi l’Empereur prend-il un terrible décret : toutes relations commerciales se trouveront désormais coupées entre la Hollande et le vaste empire. Puisque le royaume de Louis, véritable « colonie anglaise », n’est plus qu’une entrave à la liberté de l’Empire ! Napoléon veut même aller plus loin encore et le déclare sans ambages à son frère :
— Je veux manger la Hollande !
Il se contente pour l’instant d’en dévorer un morceau et d’ordonner l’occupation de Bréda et de Berg-op-Zoom.
— Ce sont les Anglais, explique-t-il à Louis, qui m’ont obligé à m’agrandir sans cesse. S’ils continuent,ils m’obligeront de joindre la Hollande à mes rivages.
Mais Louis toujours gardé à vue à Paris, n’accepte pas de se laisser ainsi grignoter et écrit à son ministre de la guerre « qu’il fallait résister à la prochaine avance des troupes françaises dans le royaume ». Allait-on voir les Bonaparte se déclarer ennemis comme au siècle dernier les Bourbons de France et d’Espagne ? Les ministres sont épouvantés.
« On ne résistera pas de vive force, leur recommande Louis, mais on remettra des protestations en forme. »
Le gouverneur de Berg-op-Zoom refuse de rendre la place à Oudinot. Napoléon envoie, pour le prévenir, le ministre de la Guerre à son frère :
— Votre Majesté va être responsable du sang qui coulera.
Le roi de Hollande répond « qu’il n’a pas d’explications à donner au ministre de la Guerre d’une nation étrangère, fût-elle amie ».
— Ainsi, constate le duc de Feltre, Votre Majesté déclare la guerre à la France et à l’Empereur ?
Le souverain malgré lui hausse les épaules :
— Pas de mauvaises plaisanteries, un prisonnier ne déclare pas la guerre ! Que l’Empereur me laisse en liberté et alors il fera ce qu’il voudra.
Louis cède, bien sûr, et Oudinot peut s’emparer de Berg-op-Zoom. Napoléon désire visiblement l’abdication de son frère. Il le lui signifie d’ailleurs sans déguiser sa pensée :
— Je vous ai déjà répété plusieurs fois que mon intention est que vous abdiquiez. Je vous le répète encore ; redevenez prince français et vous aurez une vie agréable et sans soucis.
— Vous pouvez me faire descendre du trône, riposte Louis, je n’ai pas les moyens de m’y opposer, mais n’étant plus roi de Hollande, jamais vous ne sauriez me contraindre à
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