Napoléon
peine que cela te ferait, mais il faut bien repousser l’injustice. »
Tandis que Napoléon quitte Dresde pour aller retrouver Marie-Louise à Mayence, Caulaincourt arrive à Prague où se tient le prétendu Congrès allié. Ses instructions sont précises : « Votre langage doit être simple. Si l’on veut continuer l’armistice, je suis prêt, lui a dit l’Empereur ; si l’on veut se battre, je suis également prêt, » S’il faut en croire ses interlocuteurs – le grand écuyer n’en parle ni dans ses Mémoires, ni dans ses rapports à son maître – Caulaincourt aurait confié aux Alliés :
— Dites-moi seulement si vous avez assez de troupes pour nous rendre une bonne fois raisonnables. Vous ne voyez pas en moi le représentant des lubies de l’Empereur, mais de son intérêt véritable et de celui de la France. Je suis tout aussi Européen que vous pouvez l’être. Ramenez-nous en France par la paix ou par la guerre, et vous serez bénis par trente millions de Français et par tous les serviteurs et amis éclairés de l’Empereur.
Nous assisterons bientôt à la défection des derniers alliés de Napoléon. 1813 est bien l’une des plus pénibles années de notre Histoire.
Le 5 août, l’Empereur, rentré à Dresde, fait demander à Caulaincourt de hâter la remise des propositions. Le représentant reçoit la lettre le 6, et, le 7, Metternich lui remet enfin les fameuses conditions mises au point par les coalisés. Napoléon reçoit le rapport de Caulaincourt le 9 à trois heures de l’après-midi et répond par des contre-propositions. Mais celles-ci n’atteindront Prague que le 11 au matin. Depuis le 10 à minuit, les pourparlers sont rompus et l’empereur d’Autriche a déclaré la guerre à son gendre. Napoléon apprend la nouvelle le 11 et envoie à Caulaincourt d’autres propositions. Cette fois, il abandonne la Confédération du Rhin, l’Illyrie – sauf Trieste – et le nord de l’Allemagne – sauf Hambourg et Lubeck. Mais il est maintenant trop tard... Metternich placé « dans la plus effroyable crise dans laquelle se soit trouvé un ministre », écrit-il, refusera même la communication de la note. Les Alliés ont jeté le masque. Ils ne mettront bas les armes que lorsque la France sera rentrée dans ses anciennes limites et Napoléon mis hors d’état de nuire.
Le même jour, l’empereur François écrit néanmoins à sa fille : « Sois calme, la guerre que nous menons est toute différente que les autres ; c’est purement politique. Je ne serai jamais l’ennemi de ton mari et j’espère, lui, jamais le mien. »
Marie-Louise répondra : « L’Empereur ne m’estimerait pas s’il n’était pas rasséréné sur les sentiments que j’éprouve pour vous. Vous ne m’estimeriez pas non plus si mes souhaits n’étaient en première ligne pour le bonheur de l’Empereur et de mon fils. »
Elle se prend pour une héroïne de Corneille – cela lui passera...
XIX
LA CURÉE
L’étoile pâlissait ; je sentais les rênes m’échapper et je n’y pouvais rien.
N APOLÉON .
S I vis pacem, para bellum. Jamais la célèbre locution de Végèce n’a été plus vraie. Tandis que leurs diplomates affectent de souhaiter la paix, les Russes et les Prussiens concentrent leurs troupes. De son côté, Napoléon agit de même.
Mais l’apport de l’armée autrichienne et des forces suédoises de Bernadotte a fortement grossi les effectifs des Alliés qui parviennent, pour l’instant, à rassembler six cent mille hommes et pourront en aligner un million plus tard. L’Empereur, en ralliant les régiments d’Espagne et en faisant venir jusqu’aux gardes-mites des dépôts, pourra-t-il vraiment disposer des cinq cent mille hommes qu’il possède sur le papier ? Assurément pas. Il a pu réunir deux cent soixante mille fantassins, quarante mille cavaliers – ce qui est déjà considérable – et douze cent cinquante canons.
Trois armées, celles de Schwarzenberg, de Blücher et de Bernadotte convergent vers les corps français. Napoléon divise, lui aussi, ses forces en trois groupes. Ainsi que lui fait remarquer Marmont : « Par la création de trois armées distinctes, Votre Majesté renonce encore aux avantages que sa présence sur le champ de bataille lui assure, et je crains bien que le jour où Elle aura remporté une victoire et cru gagner une bataille décisive, elle apprendra qu’elle en a perdu deux... »
On ne pouvait mieux prévoir
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