Napoléon
recrutaient et les quantités d’hommes qu’ils recevaient par les circonscriptions, le lieu où le régiment se trouvait réuni ou détaché, l’emplacement ou la force des dépôts, l’état de leur personnel et de leur matériel.
« C’était toujours avec une singulière satisfaction que l’Empereur recevait ces états de situation. Il les parcourait avec délices, et disait qu’aucun ouvrage de science et de littérature ne lui faisait autant de plaisir. Son étonnante mémoire s’emparait de tous ces détails ; ils y restaient gravés, de sorte qu’il savait aussi bien, et même mieux que les bureaux du mouvement des ministres de la Guerre et de la Marine et que les états-majors eux-mêmes, quels étaient le personnel et le matériel des corps. L’orthographe et la prononciation des noms lui étaient moins familiers ; il ne les retenait jamais correctement. Mais si les noms propres lui échappaient, leur mention suffisait pour lui représenter vivement l’image de l’individu ou de la localité qui le portait. »
Il n’y avait pas que, l’armée. Les affaires civiles dù trop vaste empire exigeaient les mêmes soins. « Ce ne sont pas des conquêtes qu’il projette, dicte-t-il en parlant de lui à la troisième personne, il a épuisé la gloire militaire... Perfectionner l’administration, en faire, pour son peuple, la source d’un bonheur durable et d’une prospérité croissante et, de ses actes, l’exemple d’une morale pure et élevée... telle est la gloire qu’il ambitionne ! » Mais pour que cette « gloire » puisse s’exercer, pour que les ordres puissent atteindre les destinataires, il fallait avant tout créer des relais, des postes et des routes, rendre navigables fleuves et rivières et carrossables les cols entre la France, l’Italie et l’Allemagne.
Napoléon peut dire, le 27 mars 1806 :
— Plus l’Empire est vaste, plus on doit donnerd’attention à ces grands moyens de communication.Je l’éprouve déjà pour Milan ; depuis que les estafettes sont établies, je gouverne Milan avec autantde facilités que Lyon.
Ainsi il lui sera aussi aisé de correspondre avecses chefs d’armée qu’avec ses préfets.
— Comment, dira Pasquier, aurait-on pu se permettre la moindre négligence, se laisser aller aumoindre relâchement, lorsque l’exemple d’une activité infatigable nous était donné de si haut ?
Il travaille d’arrache-pied – et le travail rend levainqueur d’Austerlitz si heureux qu’il engraisse.Les comptes de l’un de ses tailleurs – le sieur Chevalier – pour cette année 1806, sont particulièrementsignificatifs :
« Avoir élargi l’habit du sacre, l’avoir redoublé, fourni six aunes satin pour doubler l’habit, à 15 francs l’aune 90 F
« Élargi six anciennes culottes Casimir blanc 18 F
« Repris deux dos à deux vestes pour les élargir 10 F
« Élargi un habit de chasse par le devant. 30 F
« Élargi de toutes parts vingt-quatre anciennes culottes de Casimir 96 F
« Élargi une veste et une culotte de Casimir. Remis un dos 7 F
Nous savons aussi que la célèbre redingote coûtait cent soixante francs et le non moins célèbre uniforme de chasseur ou de grenadier – plaques et épaulettes comprises : trois cent trente francs.
Il applique la même minutie, le même souci d’économie pour aménager les finances de l’Empire. Napoléon est sans doute arrivé, à Paris auréolé par les victoires, mais aussi par les cinquante millions que les Autrichiens ont dû verser à la France. Heureuse manne, car les finances, en dépit de la remontée de la rente, demeurent bien malades. La disettede numéraire est devenue grave. Les Négociants réunis qui ont à leur tête Ouvrard, ont « tripoté » dans le Trésor. La richesse de Gabriel Ouvrard déplaît à Napoléon : « Un homme qui possède trente millions, dit-il, est trop dangereux. » En réalité, Ouvrard possédait bien davantage – et l’Empereur semblait avoir oublié qu’il lui avait emprunté des sommes considérables : soixante-huit millions en 1805 !
L’assainissement s’opère rapidement. « J’ai fait rendre gorge à une douzaine de fripons, annonce quelques jours plus tard Napoléon à son frère Joseph. J’étais bien résolu à les faire fusiller sans procès. Grâce à Dieu, je suis remboursé. » Les Négociants réunis devront verser quatre-vingt-sept millions au Trésor...
La place étant nette, il peut remettre sur pied
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