Napoléon
l’eau ! Plusieurs fontaines et un grand fleuve coulent dans Paris.
— Il est vrai que des fontaines et un grand fleuve coulent dans Paris, mais il n’est pas moins vrai que l’eau s’y vend à la bouteille, et que c’est un impôt énorme que paie le peuple, car il faut une voie d’eau par quinzaine et par ménage, ce qui, à vingt-cinq sous la voie, fait plus de trente-six francs par an, et vous n’avez aujourd’hui ni fontaines publiques ni abreuvoirs, ni moyen de laver les rues.
— Quels seraient vos moyens pour donner de l’eau à Paris ?
— Je vous en proposerai deux : le premier serait de construire trois pompes à feu... Le second projet consisterait à amener la rivière de l’Ourcq à Paris : cette rivière, qui est à vingt-deux lieues, verse ses eaux dans la Marne ; la Marne se vide dans la Seine ; de sorte que l’Ourcq peut être aisément amené au haut de la Villette, d’où ses eaux se répandraient dans Paris.
Dès le mois de mai 1802, l’Ourcq était conduite à Paris par un canal de soixante kilomètres. En 1806 – au mois de mai–,l’Empereur signait un décret qui allait doter Paris de quinze nouvelles fontaines. Mais, l’année suivante, il trouva bien faible leur débit.
— Nous donnons dix-huit mille muids d’eau, expliqua le préfet Frochot.
— Est-ce le maximum ?
— On peut porter la distribution à vingt-quatre mille muids.
— Qu’en coûterait-il par jour ?
— Deux cents francs.
— Je veux vingt-quatre mille muids.
— Votre Majesté fixe-t-elle, pour les donner, une date ?
— Ce soir.
Une fontaine faillit être édifiée entre l’arc du Carrousel et le Louvre. Les architectes avaient prévu une cohorte de naïades envoyant de l’eau par leurs seins.
— Ôtez-moi ces nourrices, s’exclama Napoléon ; les naïades étaient vierges !
Et le projet en demeura là. Un jour, Bourrienne lui fit remarquer « le hideux aspect » des berges de la Seine.
— Vous avez raison, c’est bien laid, s’écria l’Empereur ; c’est dégoûtant de voir laver le linge sale sous nos fenêtres !
Et trois kilomètres de nouveaux quais bornèrent le fleuve : du quai du Louvre à ceux de Passy et du quai des Célestins au quai baptisé Morland, en souvenir du colonel de la Garde tué à Austerlitz – c’estaujourd’hui un boulevard depuis que, sous Louis-Philippe, l’île Louviers a été rattachée à la rive.
La ville doit encore à Napoléon dix kilomètres d’égouts et ses premiers trottoirs et caniveaux, venus remplacer le ruisseau axial et stagnant.
Les transformations ne se limitèrent d’ailleurs pas à ces améliorations. Le pont d’Iéna, les ponts métalliques – nouveauté jusqu’alors réservée aux Anglais – d’Austerlitz et des Arts ; les rues de Rivoli, de la Paix et de Castiglione ; la Bourse ; la façade de la Chambre des Députés ; la place Saint-Sulpice ; les Catacombes – et enfin la continuation du Louvre. Tel est le bilan du Paris consulaire et impérial.
Que ferait-on, lorsqu’elle serait terminée, de l’église de la Madeleine dont la première pierre avait été posée le 3 avril 1764 ? Le 2 décembre 1806, l’Empereur décide que le bâtiment achevé deviendrait un Temple de la Gloire dédié à la Grande Armée :
— J’entends un monument tel qu’il y en avait à Athènes et qu’il n’y en a pas à Paris.
On le constate non sans étonnement et tristesse, si le général Bonaparte a donné son nom à une rue, il n’existe à Paris, aucune avenue, aucune place Napoléon. C’est une immense injustice qui devrait être réparée {9} . Alors que Rome, Lucques, Ljubliana et Varsovie possèdent une place Napoléon, Milan un Monte Napoleone, et que sept villes américaines s’appellent Napoléon {10} .
Durant les sept mois qui séparent les deux coalitions il séjourne à Paris et, de son cabinet de travail, organise ses armées. Tout converge vers sa table. Mais ici il faut laisser la parole à Méneval : « Il yavait sur son bureau des états de situation des armées de terre et de mer, couverts en maroquin rouge, fournis par les ministres de ces départements. Ces états, dont il avait donné le plan, étaient renouvelés le premier de chaque mois. Ils étaient divisés en colonnes indiquant le numéro des régiments d’infanterie et de cavalerie, le nom des colonels, le nombre d’hommes composant chaque bataillon, escadron et compagnie, les départements où ils se
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