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Napoléon

Napoléon

Titel: Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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lorsque le sort des batailles napoléoniennes obligeait son ministre à se rapprocher de Moscou, de Vienne ou de Berlin. L’Empereur avait même trouvé à Potsdam une lettre de Charles IV que Frédéric-Guillaume avait oubliée dans sa fuite, et dans laquelle le roi d’Espagne s’engageait à attaquer dans le dos les Français, tandisque Napoléon se trouverait encore sur les rives de l’Elbe !
    Il est important de rappeler cette gracieuse proposition afin de comprendre le dédain témoigné par l’Empereur vis-à-vis de ces fantoches. Ce mépris, d’une part, sa méconnaissance du sentiment des Espagnols pour leur monarchie, d’autre part, vont égarer Napoléon et le pousser à intervenir dans les événements d’Espagne. Le drame espagnol sera ainsi la première fissure dans l’édifice. Le proscrit de Sainte-Hélène l’avouera plus tard :
    — J’embarquai fort mal cette affaire !
    Tandis que Junot remporte la victoire qui lui vaudra le titre de duc d’Abrantès et occupe Lisbonne, tandis que la famille royale de Bragance part pour le Brésil, Murat, – grand-duc de Berg et de Clèves – devenu lieutenant général de son beau-frère, franchit les Pyrénées avec la mission d’affoler Charles IV par sa seule présence, de le contraindre à abandonner son trône et à s’embarquer, lui aussi, pour l’Amérique.
    Les Espagnols n’accueillent pas trop mal les Français, croyant qu’ils viennent délivrer le pays et le roi de la dictature de Godoy. Napoléon ne s’est point trompé : à Aranjuez, un château sans unité qui s’étire mélancoliquement au-dessus du Tage, Charles IV, en voyant son État partiellement occupé par les troupes napoléoniennes, envisage de quitter son royaume pour le Nouveau Monde. N’est-il pas également « roi des Indes occidentales et orientales » ? Mais son fils Ferdinand, prince des Asturies, « coeur de tigre et tête de mule », ainsi que le dit aimablement sa mère, s’oppose au projet. Il s’y opposera même par la force, menace-t-il !
    À dix lieues de là, Madrid entre aussitôt en ébullition. Les manifestants, guidés par quelques grands seigneurs partisans de l’héritier du trône, se portent vers Aranjuez, viennent battre les grilles du château, puis vont envahir l’hôtel de Godoy. Le personnage exécré est fait prisonnier. On le jette dans une écurie où son ennemi, le prince des Asturies, vient le visiter. « Godoy, écrit un officier présent, était dans un état à faire compassion... la figure ensanglantée et tellement affaibli par le sang qui coulait de sa cuisse qu’il ne pouvait se soutenir. » Le favori tombe aux pieds du prince en lui disant :
    — Je demande grâce à Votre Majesté.
    Ferdinand lui répond avec calme :
    — Manuel, tu oublies donc que mon père vit encore.
    — Eh bien, que Votre Altesse pardonne mes offenses !
    — Manuel, les injures que j’ai reçues de toi sont pardonnées, mais tu dois compte à l’Espagne du mal que tu lui as fait.
    Puis, le prince des Asturies monte à une fenêtre et déclare à la foule :
    — Messieurs, je réponds de cet homme. On lui fera son procès, et il sera châtié conformément à la gravité de ses crimes.
    Ferdinand parle déjà en maître, ainsi que nous l’a fort bien expliqué Jacques Chastenet. Depuis la veille, les événements ont marché, et Godoy a pressenti l’immédiat avenir. Les mêmes grands seigneurs qui avaient fomenté l’émeute ont fait le siège du roi, en lui répétant que la chute de son favori ne suffirait point à détourner la foudre populaire, et que, seule, une abdication en faveur de Ferdinand parviendrait à conjurer la révolution qui gronde.
    Charles IV s’incline et signe – de sa fière signature, Moi, le Roi – ce texte résigné : « Comme mes infirmités habituelles ne me permettent pas de supporter plus longtemps la lourde charge du gouvernement de mon royaume, et ayant besoin, pour ma santé, de jouir, dans un climat plus tempéré, de la vie privée, j’ai décidé, après la plus mûre délibération, d’abdiquer en faveur de mon bien-aimé fils, le prince des Asturies. »
    Voici donc Ferdinand VII devenu roi de toutes les Espagnes. Mais, pour sauver le cher amant de sa femme, Charles IV, écrit le 12 mars, à Murat qui se trouve à El Molar, aux portes de Madrid : « Je vous demande en grâce de faire savoir à l’Empereur que je le supplie de faire mettre en liberté le pauvre prince de la Paix,

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