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Néron

Néron

Titel: Néron Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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vie, que la frugalité et l’austérité ne pouvaient l’atteindre. Il lui arrivait de pratiquer de longs jeûnes ou bien de refuser de manger de la viande – cette chair morte – et de se contenter de légumes et de fruits, sans même s’humecter les lèvres du moindre vin.
    Mais je le voyais satisfait, épanoui de pouvoir d’abord caresser des yeux ces jeunes esclaves, garçons et filles, que l’âge n’avait pas encore forcis ni durcis, parmi lesquels il choisirait l’un ou l’autre pour sa couche.
    Il serrait contre lui Chaeremon, ce prêtre égyptien qu’il avait connu lors d’un long séjour en Égypte. Tous deux avaient découvert la sagesse, tous deux croyaient que l’âme échappait à la putréfaction et à la destruction des corps, que la mort ne pouvait ainsi l’atteindre et qu’elle demeurait dans le monde, immortelle.
    Comment un tel maître, rhéteur et philosophe, ne s’indignait-il pas de la complicité et de l’alliance entre la mort et les maîtres de Rome qui gouvernaient cet État universel qu’était devenu l’Empire ?
    Si l’on croyait à l’immortalité de l’âme, si l’on voulait vivre dans la sagesse du philosophe, ne valait-il pas mieux se retirer loin des palais impériaux, des villas du Palatin ou de l’Aventin, fuir cette ville qui, malgré les parfums dont chaque puissant s’aspergeait, sentait les latrines, les détritus, l’égout, et où la débauche régnait, l’argent et l’ambition corrompant toutes les âmes ?
    Corse, Égypte, Grèce, Espagne, ne fallait-il pas préférer la province la plus éloignée et la plus pauvre de l’Empire à son cœur, devenu cloaque ?
    Sénèque m’a écouté puis entraîné dans une longue promenade dans le jardin agrémenté de fontaines et de statues. De ses allées, on apercevait les collines de Rome, le palais impérial et les villas qui l’entouraient et, en contrebas, l’entassement des bâtiments qui ressemblaient, vu de là, aux pavés disjoints d’une voie immense d’où s’élevaient rumeurs et fumées.
    — Nul n’a le pouvoir de faire retour aux temps anciens de la République, a commencé Sénèque.
    Il s’est arrêté, traçant du bord de sa semelle un sillon dans le gravier.
    — Un abîme s’est creusé entre le passé et aujourd’hui, et personne, pas même les dieux, ne saurait le combler.
    Il a repris sa marche, appuyant parfois sa main sur mon épaule.
    — Serenus, le sage doit saisir l’occasion, l’eukairia, l’opportunité. Les dieux me placent auprès d’un enfant dont les augures disent qu’il est issu d’Apollon et dont la mère prépare l’accession à la dignité impériale. Elle avance, sûre d’elle, elle peut compter sur tous ceux qui ont voulu et préparé la mort de Messaline et qui redoutent que le fils de la défunte, Britannicus, s’il devenait empereur, n’ait de cesse de venger sa mère. C’est pourquoi tous veulent que Lucius Domitius soit fiancé à Octavie, devienne ainsi le gendre de Claude et soit bientôt adopté comme fils de l’empereur, puis qu’à la mort de ce dernier il lui succède.
    — La mort, ai-je répété. Agrippine…
    — La mort élague, a murmuré Sénèque, elle permet à l’arbre de s’élever. C’est la loi. Agrippine et tous les empereurs avant elle s’en sont servis et elle sera toujours la fidèle complice du pouvoir. Mais…
    Il s’est interrompu, puis, après quelques instants de silence, il a martelé :
    — Celui qui ne craint pas la mort ne peut plus être esclave. Il est pour toujours un homme libre. Il sait que son âme est immortelle !
    Nous nous sommes assis sur un banc de marbre placé au centre d’un cercle dessiné par de grands cyprès plantés serrés, si bien qu’on avait l’impression d’être dans un lieu séparé, protégé du monde.
    — Ici je suis face à moi-même, a dit Sénèque. Le sage doit à tout moment sonder son âme. C’est ainsi qu’il apprend à dominer ses passions, parce qu’il en voit les conséquences comme autant de plaies, de rides marquant son âme. Le sage dit se méfier de la colère, des emportements et de l’impatience. Il veut le triomphe de la raison, de la sagesse, de la prudence, de la clémence et de la tempérance.
    Sénèque a posé une main sur ma cuisse.
    — Serenus, crois-tu que je ne doive pas enseigner cela au prince que les dieux ont placé ou s’apprêtent à placer à la tête de l’Empire ? Crois-tu qu’il faille laisser un empereur

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