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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Vincente devait s’arrêter. Madame Merani lui touchait le
bras.
    — Attends, attends, disait-elle, je veux voir.
    Deux landaus descendaient de la gare, par l’avenue Thiers
bordée de palmiers.
    — C’est le train de Paris, disait Madame Merani.
    Elle se dressait sur son siège pour voir les touristes,
s’indigner parfois de l’une d’elles, sans chapeau, ou bien rire de celles qui
portaient un bonnet de fourrure.
    — Ces Russes, disait-elle, elles s’imaginent qu’il va
neiger. Allez, va, va, ou nous n’arriverons jamais là-haut.
    Mais il fallait encore marquer le pas devant le café de la
Maison-Dorée, tenter de voir, par-dessus les palmiers nains qui protégeaient la
terrasse.
    — Avance, disait-elle, après un instant.
    Elle commençait un long monologue. Elle ne sortait pas
assez, depuis la mort de son fils – Vincente savait qu’elle se signait
d’un mouvement rapide, qui interrompait sa phrase, comme une ponctuation –
elle avait cessé de trouver du plaisir à la vie. Autour d’elle, il n’y avait
que des gens égoïstes et heureux. « Même le docteur, Lisa, même lui. C’est
un homme, bien sûr il a du chagrin, mais il a son ambition, son métier, la
politique, comment veux-tu qu’il me comprenne, je l’ennuie, j’ennuie tout le
monde, ah Lisa, la vie change si vite, méfie-toi Lisa, méfie-toi. »
    La voiture passait sous le pont de la Gare qu’empruntait la
voie ferrée qui gagnait l’est de la ville, et de là en une succession de tunnels,
le premier dans la ville même, sous la colline de Cimiez, la nouvelle frontière
italienne, au delà de Menton. Le pont franchi, la ville changeait. La voiture
roulait dans une banlieue dont seules les grandes voies étaient tracées. « Tu
peux prendre le trot », disait Madame Merani. Vincente faisait claquer les
rênes et ils atteignaient rapidement la place Beatrix, la gare en construction
des chemins de fer du Sud. Au delà c’était vraiment la campagne, les étendues
maraîchères, et vers le Ray, de grandes propriétés dont les limites étaient marquées
par des murs bas, de pierre de taille. Madame Merani se dressait : « ralentis »,
disait-elle à Vincente. « Tout ça », elle montrait les allées de
palmiers, les champs d’arbres fruitiers, qui en pente douce gagnaient la
colline de Gairaut, « tout ça, c’est à la Comtesse d’Aspremont, elle a au
moins trois fois plus de terrain que nous, mais nous sommes mieux placés. C’est
humide ici, je ne pourrai pas m’y faire, l’été, tu le sais Lisa, il y a tant de
moustiques, que l’air est noir ».
    Arrivé au pied de la colline de Gairaut, Madame Merani
voulait que Vincente laisse souffler le cheval, elle descendait de voiture,
donnait le bras à Lisa et commençait à marcher.
    Souvent, s’engageant par le raccourci qui prend à travers
les planches et les oliviers, elle criait à Vincente : « Va, nous
montons à pied. » Elle traversait ainsi la propriété Merani ; elle
pouvait avant même d’atteindre la maison, juger du travail des Cauvin, savoir
si les arbres et la vigne avaient été taillés, l’herbe des planches coupée.
    Vincente et Luigi seuls désormais, menaient la voiture à
leur guise. Luigi prenait les rênes et debout, il excitait le cheval qui passait
au trot devant la cascade, longeait le canal de la Vésubie qui alimentait la
ville avec les eaux de la montagne. Un peu avant le sommet, Vincente reprenait
sa place. Il arrêtait la voiture au bord du chemin pour que le cheval se
repose, et les coudes sur les genoux cependant que Luigi chantonnait, Vincente
regardait la baie des Anges, la ville là-bas, damier qu’encadraient les
collines. Il ne se lassait pas du paysage. Quand le ciel d’hiver était ainsi
dégagé après le vent, la vue portait loin, vers le massif de l’Estérel, masse
dentelée fermant la mer à l’ouest ; vers le mont Boron que dominait le
fort du mont Alban, et vers le mont Gros que la boule de l’observatoire couronnait,
verrue blanche au milieu des pins.
    Vincente aimait cette ville. Quelques mois à peine qu’il la
connaissait et il lui semblait que le Piémont, Mondovi l’austère, appartenaient
à une autre vie. Quand il y avait la mère et le père. Ils étaient morts.
L’autre vie était morte avec eux. Ici, à Nice, commençait le nouveau chant des
Revelli.
    Vincente sauta de la voiture.
    Il aimait se retrouver seul avec son frère. Il se prenait à
rêver, regardant ces planches

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