No Angel
faire tatouer comme un détenu.
Depuis quelques mois, je m’intéressais au travail de Robert « Mac » McKay, le tatoueur dont la boutique, le Black Rose, se trouvait à Tucson. Mac avait beaucoup de talent et j’étais sûr que le travail qu’il effectuerait sur mes bras serait formidable. On en avait parlé pour la première fois à Prescott, quand j’avais fait la connaissance des gars de Skull Valley. Il avait affirmé qu’il serait heureux de me tatouer, qu’il me ferait un prix. Bien entendu je ne lui dis pas que ça ne me coûterait rien parce que cela serait considéré comme une dépense liée à l’opération et que l’ATF réglerait la facture. Tout ce que je lui dis, c’est que je voulais que mes bras représentent le bien et le mal, puisque j’étais les deux. Cela lui plut.
J’avais déjà plein de tatouages… Saint Michel sur une épaule, et sur l’autre quatre brins de fil de fer barbelé, en hommage au quatre agents de l’ATF morts à Waco, dans la propriété des Branch Davidian. Entre mes épaules, comme un pont, s’étalait le mot JAYBIRD. Ces tatouages étaient audacieux mais plutôt ordinaires.
Se faire tatouer est bizarre. C’est toujours lié à un moment important de la vie… la mort d’un ami, la naissance d’un enfant, une épiphanie. Quand on le fait, on a l’impression de souligner une partie de soi qui ne changera jamais. On pense : je serai toujours jeune, je ferai toujours passer mes enfants avant tout le reste, j’honorerai toujours les morts. En réalité, alors que le tatouage demeure identique, la personne qui le porte change.
Par exemple, j’avais fait tatouer les dates de la mort des agents de l’ATF tués à Waco près des brins de fil de fer barbelé. Mais je les avais fait recouvrir parce que je redoutais que quelqu’un – plus précisément Scott Varvil pendant l’opération Riverside – comprenne et me demande pourquoi je commémorais une date infamante de l’histoire de l’ATE. Avant, j’avais demandé son avis à l’un des agents qui avaient combattu à Waco ; il m’avait répondu que les gars qui avaient été tués auraient certainement voulu que je les fasse recouvrir si elles m’empêchaient de travailler en toute confiance.
Je me décidai donc, ce qui, pour moi, équivalait presque à un sacrilège.
Je n’avais pas beaucoup réfléchi quand j’avais dit à Mac que mes bras devraient représenter le bien et le mal. Je savais que j’étais bon, au plus profond de moi, mais je savais aussi qu’il fallait que je paraisse mauvais pour survivre et faire convenablement mon travail. Cependant je ne m’apercevais pas que j’étais en train de céder à mes propensions les plus sombres. Depuis des mois, je refoulais ce qu’il y avait de bon en moi. Ironiquement, j’acceptais le mal en vue de le vaincre.
J’étais Bird. J’étais Jay Dobyns. J’étais bon. J’étais mauvais. J’étais tout cela et rien de tout cela.
Les deux bras reçurent des crânes, des flammes et des démons ainsi que des fleurs, des nuages et des anges. Comme les bagues que je portais à tous les doigts, les boucles d’oreilles dans chaque lobe et les bracelets autour de chaque poignet, ces talismans s’équilibraient. J’étais la balance et eux les poids et contrepoids. Je croyais que mon esprit demeurerait équilibré si ces choses se contrebalançaient mutuellement sur mon corps. Ce n’était en fait que du vent. Je n’étais pas moi-même.
Mais Mac, lui, était vraiment bon. On consacrait une heure à un bras, une heure à l’autre. JJ, assise dans la pièce obscure, téléphonait. Elle parlait affaires avec Casey, Pops ou Timmy. Parfois, Lydia venait voir ce qui se passait. J’eus de nombreuses conversations codées avec Slats tandis que les aiguilles de Mac bourdonnaient sous la lampe de bureau.
Mac posa beaucoup de questions sur les recouvrements dont j’étais censé vivre. Je lui confiai que c’était de l’argent facile. Il me demanda si je tabassais beaucoup de gens. Je lui dis presque la vérité, à savoir que je frappais rarement les gens (ou jamais, puisque je n’effectuais pas vraiment des recouvrements). J’ajoutai qu’il suffisait généralement que j’arrive avec une batte de baseball, mes deux pistolets et mon bonnet sur lequel SERIAL KILLER était écrit. Il me demanda combien je gagnais. Je répondis que ça dépendait mais que c’était en général dix pour cent. Je lui racontai que ma plus grosse
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