No Angel
obtenir qu’ils me donnent une arme.
— Foutre oui.
Voici la raison pour laquelle le plan ne pouvait pas échouer : il leur était impossible de s’opposer au projet. Depuis Laughlin, les gars étaient obsédés par l’idée de tuer des Mongols. Mais, alors qu’ils en étaient capables, ils ne se lançaient jamais à leurs trousses. Comme Dan Danza, l’Angel surexcité dont la dureté et l’agressivité me plaisaient, je trouvais ça ridicule ; il n’était pas difficile de trouver des Mongols. Ce n’était pas Oussama Ben Laden caché à Tora Bora… Ces types, tout comme les Angels, avaient des clubhouses. Je décidai donc d’être celui qui en tuerait un. Si Steve Helland, l’Angel Nomad, désirait m’engager pour que je descende le meurtrier de son fils, pourquoi n’aurais-je pas pu proposer de tuer un Mongol pour le club ? Et comment pourraient-ils refuser ? S’ils hésitaient, je pourrais demander ce que je n’avais pas compris quand on m’avait dit : « Si tu rencontres un Mongol, tue-le. » Si je le faisais, je réaliserais leurs rêves et mon potentiel.
Nous exécuterions notre plan, et soit Slats mettrait précipitamment un terme à l’opération, soit les Angels me tueraient parce que je serais allé trop loin, soit je serais viré, soit je deviendrais membre à part entière. Comme j’aurais saisi la meilleure occasion, et la plus violente, de devenir un Hells Angel, toutes ces issues, même la mort, me convenaient. Parfois surtout la mort. C’était juin dans l’Arizona et mon acceptation de la mort grandissait avec la montée du mercure. Il y avait même des jours où, au réveil, je souhaitais mourir. Ce n’était pas quelque chose que je me serais infligé, mais c’était quelque chose que j’avais fini par espérer. Ça aurait été très simple, ça aurait tout simplifié. Je ne foutrais plus ma famille en l’air, elle toucherait un gros chèque de l’assurance et le cauchemar que ma vie était devenue serait terminé. Je savais que je ne renoncerais pas de moi-même – cette décision devait venir d’ailleurs –, donc quel meilleur moyen d’y parvenir que la mort ? Sans m’en être aperçu, j’avais fait mien le désir que Koz, mon ancien équipier, exprimait en blaguant : désormais c’était moi qui avais envie d’être ligoté sur une chaise avec du ruban adhésif et abattu d’un coup de fusil dans la tête. Je souhaitais une vraie mort d’agent infiltré, au plus fort de ma plus grosse bataille. J’avais envie de mourir comme l’affreux que j’étais devenu.
Je me disais : et merde, ça arrivera ou ça n’arrivera pas. Je suis flic, mais je suis aussi Hells Angel. Il ne me reste plus qu’à faire ce qu’il faut.
La vie n’a aucun respect pour les obsessions. Tandis que je passais mon temps à analyser et à ruminer les informations, à visualiser une scène de crime, la vie continuait. Le 6 juin, on fut chargés de monter la garde, à Dago, à l’occasion de l’enterrement d’un Angel tombé à son tour.
Le bruit courait que nous serions, Timmy, Pops et moi, les gardes du corps de Sonny Barger lors du rassemblement mondial, en août, à Laconia, New Hampshire… Le week-end à Dago était un essai. Les pontes étaient présents : Sonny, Johnny Angel et Chuck Zito, ainsi que presque une douzaine de présidents de la côte ouest. J’étais affecté à la porte de derrière. Un haut mur séparait le clubhouse de la rue et je ne voyais rien au-delà. La paranoïa liée aux Mongols avait déteint sur moi : je redoutais sans cesse qu’une bombe artisanale lancée par-dessus le mur me réduise en bouillie en même temps que l’arrière du bâtiment.
Mais il ne se passa rien. Mon principal ennemi fut l’ennui. Cependant, après être resté à cet endroit pendant environ huit heures, j’eus droit à une petite surprise. Sonny Barger apparut soudain sur le perron. Il avait une assiette pleine de nourriture et deux bouteilles de bière. Il posa la nourriture sur une table de bridge pliante et plaça son appareil dans le trou de sa trachée. Sa voix bourdonna :
— Il fait chaud ici, hein ?
— Oui, monsieur.
— Bird, tu peux m’appeler Sonny.
— Sans vouloir vous vexer, monsieur, je vous appellerai « monsieur » tant que je n’aurai pas mes insignes.
Il sourit.
— Je t’ai apporté à manger, si tu as faim. Tu peux faire une pause. Je te remplacerai pendant que tu mangeras.
Non. Il n’était absolument
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