No Angel
mais je ne lui posai pas la question. Je le mis dans ma poche, lui embrassai les cheveux et m’en allai.
Je ne devais partir pour San Diego qu’une semaine plus tard et il fallait que je voie Smitty avant.
Pendant toute l’opération Riverside, réalisée en compagnie de Sugarbear, j’avais affirmé que je ne faisais pas partie des Unpourcentistes. Pour Smitty, j’étais un voyou indépendant. Je craignais qu’il se méfie quand je reviendrais sur mes propos et lui annoncerais que j’étais un Solo Angeles Nomad depuis le début.
Je savais que Bad Bob avait téléphoné à Smitty pour lui dire que les Solos étaient un nouveau club autorisé à porter ses couleurs en Arizona. Quand Smitty dit à Bad Bob qu’il me connaissait et que je ne faisais pas partie, à sa connaissance, des Unpourcentistes, Bad Bob affirma que j’étais réglo. Il admit que j’aurais dû dire la vérité dès le début, mais se porta garant de moi dans le même souffle, et déclara que ma loyauté compenserait cette malhonnêteté. Smitty se laissa convaincre, mais dit qu’il voulait tout de même me voir.
Le 9 août, à Bullhead, en compagnie de Carlos, Timmy et Pops, je retrouvai Smitty, Lydia, sa femme, et Dennis à l’Inferno. On nous conduisit à l’étage, dans un salon privé où des verres vides et plusieurs bouteilles de Crown Royal nous attendaient.
Je m’empressai de m’excuser puis expliquai que la nécessité et le respect m’avaient amené à mentir.
— J’ai gardé le silence pendant tout ce temps parce que je ne voulais en aucun cas défier les Hells Angels. Je regrette de ne pas avoir été honnête, mais, à la réflexion, je crois que c’était mieux pour tout le monde.
Smitty rumina. Lydia et Dennis, assis un peu à l’écart, parlèrent à voix basse. Au bout d’un peu plus d’une minute, Smitty ouvrit une bouteille de Crown Royal et servit une demi-douzaine de verres. Quand il eut terminé, il nous fixa dans les yeux successivement, avec un regard dur. Il leva son verre et nous fit signe de l’imiter. On obéit. Il but une gorgée de whisky. Quand il éloigna le verre de sa bouche, ses lèvres dessinèrent le long sourire qui le caractérisait. Sa barbe elle-même parut joyeuse. Smitty posa une main sur mon épaule. Il leva l’index et l’agita, comme si nous étions des enfants qui n’avaient pas été sages du tout. Puis il dit :
— Tu as bien fait, Bird. Ce n’était pas bien, mais tu as bien fait. À partir de maintenant, tu caches plus rien aux Huit-un et tout est pardonné.
Huit-un est un de leurs surnoms, lequel fait référence à la huitième et la première lettre de l’alphabet : H-A.
Je descendis mon Crown.
— Pas de problème, Smitty.
Smitty nous servit ensuite son discours de bienvenue à Bullhead. Il nous dit de faire ce qu’on avait à faire. Il ajouta qu’il avait des armes, si ça nous intéressait. Il expliqua qu’il connaissait, dans tout l’État, des types qui avaient des armes. Il affirma qu’il avait des femmes avec des armes. À ce moment, Carlos plaça les mains partiellement ouvertes sur la poitrine, les secoua et dit qu’il l’espérait bien. Smitty rit, et, toujours souriant, ajouta : « Pas seulement ce genre, mais aussi le genre qui fait boum ! » Carlos raconta qu’il avait vu, un jour, une paire de nichons faire boum. Il ajouta que ce n’était pas joli. Tout le monde éclata de rire. Ce fut Lydia qui rit le plus fort.
Puis, de son propre chef, Smitty raconta qu’il avait fui la Californie pour l’Arizona parce qu’il avait commis un incendie volontaire. Il avait mis le feu à un bar, un commerce voisin et un atelier de réparation de motos.
— Le soleil était trop brûlant, tu vois ?
Personne ne releva la mauvaise blague. Il poursuivit :
— Mec, l’Arizona c’est chouette. Vraiment chouette. Sonny y vit, Johnny, Hoover et Bad Bob aussi. Teddy y est. Crow y est. Des tas de rockers de la vieille école. On tient cet État. L’Arizona est rouge et blanc d’un bout à l’autre. Bad Bob a bien fait. On n’est pas assez nombreux ici, et on est heureux que vous veniez. Vous, les mecs, vous êtes des putains de bons. Maintenant allons dîner.
Quand on sortit du bar, Smitty me montra la crosse d’un pistolet, m’adressa un clin d’œil et le donna à Dennis, qui était récemment sorti de prison et n’avait donc pas le droit de porter une arme. Dennis le prit et le fourra sous la ceinture de son pantalon.
On
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