No Angel

aille immédiatement à Tijuana voir le chef des Solos, Suzuki, un Mexicain sec et nerveux, d’origine japonaise.
    Logique.
    On envoya une nouvelle fois Rudy et Pops de l’autre côté de la frontière. Seul Dieu peut accorder aux agents l’autorisation de quitter la Terra Americana et nous ne voulions pas le déranger pour si peu. Nos patrons auraient également pu le faire, mais ils auraient sans doute mis un terme à l’opération parce que nous n’avions pas été capables de tenir Rudy ; donc c’était tout aussi impossible. Avant leur départ, je dis à Pops de ne pas laisser Rudy tout foutre en l’air. Sans en informer Rudy on donna mille dollars supplémentaires à Pops, au cas où. Je retournai à Phoenix en compagnie de Carlos et on attendit.
    À son retour, Pops nous raconta ce qui s’était passé. Il dit qu’ils avaient tous été heureux de revoir Rudy… hormis un nommé Alberto, qui resta dans son coin, et les évita. Ils payèrent les cotisations en retard de Rudy et on leur dit que, désormais, l’un d’entre nous au moins devrait descendre et assister à leurs réunions mensuelles. On nous ordonna aussi d’acheter des blousons authentiques de Solos, avec le badge de Nomads en espagnol… Nomada. Enfin, Suzuki exigea qu’on lui apporte un Harley Evolution Sportster lors de notre prochaine visite. Rudy et Pops acceptèrent toutes leurs exigences, mais on ne prit pas la peine de les satisfaire parce qu’ils ne pouvaient pas nous y contraindre. Cependant, afin de rester membres des Solo Angeles, on leur fit parvenir de petites sommes d’argent et on ne manqua jamais de payer nos cotisations. Au terme de l’affaire, nous leur avions donné dans les trois mille dollars. Face à des clubs mineurs tels que les Solos, on peut littéralement acheter une crédibilité.
    Pops et Rudy passèrent la nuit dans une maison que possédaient les Solos. Il y avait des caméras de surveillance, un haut mur d’enceinte et un laboratoire de fabrication de méthamphétamine à l’étage. Pops ne comprit pas grand-chose, parce que les conversations s’échangèrent en espagnol. Avant leur départ, je lui avais enseigné la somme de mes connaissances dans cette langue : tiro el gringo en la cabeza… tire une balle dans la tête du Blanc. Ce n’était pas très utile, et Pops se rapprocha de quelques Solos venus de Californie, déconna avec eux.
    Ils lui racontèrent quelque chose d’intéressant. Ils avaient entendu dire qu’il y avait un flic infiltré ou un informateur au sein des Red Devils de Tucson, ou peut-être au sein du chapitre de Phoenix des Hells Angels. C’était un chapitre qu’il était difficile de pénétrer, parce qu’il se composait presque exclusivement d’anciens membres du Dirty Dozen, dont Robert Mora, surnommé « Chico », très dangereux, contre lequel Mesa Mike m’avait mis en garde lors du run de la prison de Florence. Pops remercia et dit qu’il ferait passer le mot.
    Ce qu’il fit dès son retour.

13
 
LE GÂTEAU DE SMITTY
    Fin août 2002
     
    Cette information pouvait concerner Rudy, l’un d’entre nous ou Mesa Mike. Il était possible aussi que ce soit une rumeur gênante mais sans fondement. Les motards croient continuellement qu’on les infiltre… cela les conforte dans l’idée que ce sont des pontes qu’il est nécessaire de surveiller. Ils n’ont pas envie qu’on enquête sur eux – ce serait vraiment chiant –, mais ils ont sans cesse envie de croire qu’on enquête sur eux.
    C’est une psychologie bizarre.
    On discuta de cela à notre quartier général, le Carré. Comme on ne trouva aucun moyen d’en tirer profit, on décida de laisser les événements suivre leur cours. Puis on partit pour San Diego, où se déroulait le congrès annuel des agents infiltrés.
    Les stages de l’ATF n’ont généralement rien de distrayant, mais celui-ci fut du tonnerre. Le conférencier de ce week-end fut Michael Durant, pilote du Black Hawk abattu au-dessus de Mogadiscio, en Somalie. Son intervention fut véritablement stimulante. Son épreuve, exposée en détail, avait été beaucoup plus éprouvante que je l’avais imaginé. Il parla longuement et de façon générale de la persévérance face au danger de mort… situation que les agents infiltrés participant au stage comprenaient parfaitement. Ses propos électrisèrent le public.
    Après l’intervention de Durant, je décidai de me vider la tête et d’aller surfer. Je louai une planche