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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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retardé dans l’exécution de ces
contrats. Même s’il avait pu compter sur l’habileté de ses ouvriers habituels, il
aurait eu du mal à remplir ses engagements en temps voulu ; en l’occurrence,
l’incompétence des Irlandais, à qui il fallait expliquer le travail à un moment
où la fabrication aurait dû aller très vite, était une source de préoccupation quotidienne.
    Le moment n’était pas favorable pour la requête de Higgins. Mais
il avait promis à Margaret de la faire, coûte que coûte. Aussi, bien que chaque
instant vît augmenter sa répugnance, sa fierté et sa mauvaise humeur, resta-t-il
pendant de longues heures adossé au mur aveugle, s’appuyant tantôt sur une jambe,
tantôt sur l’autre. Enfin, le loquet s’ouvrit brusquement et Mr Thornton sortit.
    — Je voudrais vous parler, monsieur.
    — Je n’ai pas le temps pour l’instant, mon brave. Je suis
déjà en retard.
    — Dans ce cas, monsieur, j’attendrai votre retour.
    Mr Thornton avait déjà parcouru la moitié de la rue. Higgins
soupira, mais en vain. Sa seule chance de voir « le patron », c’était
de l’aborder dans la rue ; s’il avait sonné à la porte de la loge, ou même
s’il était allé chez lui pour demander à lui parler, on l’aurait envoyé au contremaître ;
aussi resta-t-il posté sans bouger au même endroit, silencieux, ne répondant que
par un signe de tête aux quelques ouvriers qui le reconnaissaient et lui parlaient
en sortant de la manufacture avec la foule de midi. Et il fronça des sourcils furieux
à l’adresse des « jaunes », les Irlandais qui venaient d’être importés.
Mr Thornton revint enfin.
    — Quoi ! Vous êtes encore là !
    — Oui, monsieur. Faut que je vous parle.
    — Entrez, alors. Non, attendez, nous allons plutôt traverser
la cour. Les hommes ne sont pas revenus, et nous serons tranquilles. Je vois que
ces braves gens sont en train de déjeuner, dit-il en fermant la porte de la loge
du portier.
    Il s’arrêta quelques instants pour parler au contremaître, qui
lui glissa à voix basse :
    — Je suppose que vous savez que ce gars-là, c’est Higgins,
un des meneurs du syndicat ; c’est lui qui a fait ce fameux discours à Hurtsfield.
    — Ma foi, je n’en savais rien, répondit Mr Thornton
en se retournant pour jeter un regard acéré à l’homme qui le suivait. Il connaissait
le nom de Higgins, et sa réputation d’esprit frondeur. « Allons », dit-il
d’un ton moins amène, en pensant : « Ce sont des hommes comme lui qui
font obstacle au commerce et nuisent à la ville où ils vivent. Des démagogues qui
veulent avoir du pouvoir, même si c’est aux dépens des autres. »
    — Alors, monsieur, que me voulez-vous ? demanda-t-il
en se retournant pour faire face à Higgins dès qu’ils se trouvèrent dans le bureau.
    — Je m’appelle Higgins...
    — Je sais, coupa Mr Thornton. Que voulez-vous,
Mr Higgins ? C’est ce que je me demande.
    — Je voudrais de l’ouvrage.
    — De l’ouvrage ! Vous avez du toupet de venir me réclamer
de l’ouvrage ! Vous ne manquez pas d’impudence, c’est clair.
    — Je suis comme mes supérieurs, j’ai des ennemis, et des
gens qui me débinent ; mais jamais j’en ai entendu un seul qui me reproche
d’être trop timide, rétorqua Higgins.
    Il était plus piqué par le ton de Mr Thornton que par ses
paroles mêmes.
    Avisant sur la table une lettre qui lui était adressée,
Mr Thornton la prit et la lut. À la fin, il leva les yeux et dit :
    — Qu’est-ce que vous attendez ?
    — Une réponse à ma question.
    — Je vous l’ai donnée. Ne perdez pas votre temps ici.
    — Vous m’avez fait une réflexion sur mon impudence, monsieur ;
mais moi, on m’a appris que c’était bien élevé de répondre « oui » ou
« non » quand on me posait une question poliment. Je vous serais reconnaissant
si vous me donniez de l’ouvrage. Hamper pourra vous garantir que je suis bon ouvrier.
    — Je crois que vous feriez mieux de ne pas m’adresser à
Hamper pour vos références, mon gaillard. Je pourrais en entendre plus que vous
ne le souhaiteriez.
    — Je prendrais ce risque. Au pire, ce qu’on dira de moi,
c’est que j’ai écouté ma conscience, même si ça m’a fait du tort.
    — Alors, vous devriez demander là-bas et voir si on vous
y donnera du travail. J’ai renvoyé plus de cent de mes meilleurs ouvriers, qui n’avaient
eu d’autre tort que de vous suivre,

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