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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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silhouette
courbée qui sortait de la cour : la démarche lourde contrastait étrangement
avec la détermination dont l’homme avait fait preuve en venant lui parler. Il alla
jusqu’à la loge du portier.
    — Combien de temps ce Higgins m’a-t-il attendu ?
    — Il était devant la porte avant huit heures, monsieur.
Je crois qu’il n’a pas bougé depuis.
    — Et il est maintenant ?
    — Une heure pile, monsieur.
    « Cinq heures, pensa Mr Thornton. C’est long pour un
homme qui attend sans rien d’autre à faire que d’espérer au début et de redouter
le pire ensuite. »

 
     
     
     
     
     
     
     
     
    CHAPITRE
XIV
     
    En toute amitié
     
     
     
    «   J’en
ai fini de moi vous n’obtiendrez plus rien
    Mais
je me réjouis, ah, je me réjouis,
    D’être
ainsi affranchi »
    Drayton. [88]
     
     
    Après avoir quitté Mrs Thornton, Margaret s’enferma dans
sa chambre. Elle se mit à l’arpenter à grands pas selon son habitude lorsqu’elle
était agitée ; mais s’avisant soudain que dans cette maison à la construction
légère, on entendait chaque pas d’une pièce à l’autre, elle s’assit jusqu’à ce qu’elle
fût sûre d’avoir bien entendu partir Mrs Thornton. Elle se força de se rappeler
leur conversation, et le détail de chaque réplique. Puis elle se leva et se parla
à elle-même sur un ton mélancolique :
    — À tout le moins, ses paroles ne m’affectent pas. Elles
glissent sur moi, car je suis innocente de tous les motifs qu’elle m’attribue. Tout
de même, il est dur de penser que quiconque – une femme, surtout – peut croire si
facilement pareilles choses d’une autre. Dur et triste aussi. Non qu’elle m’accuse
de la mauvaise action que j’ai commise : elle l’ignore. Il ne lui a rien dit :
j’aurais dû me douter qu’il garderait le silence !
    Elle releva la tête, comme si elle était fière de la délicatesse
dont avait fait preuve Mr Thornton. Puis une idée nouvelle lui vint et elle
joignit étroitement les mains.
    — Lui aussi, il doit prendre ce pauvre Frederick pour un
amoureux. (L’idée la fit rougir.) Je le comprends maintenant. Non seulement il sait
que j’ai menti, mais de plus il croit que quelqu’un d’autre m’aime et que je...
Oh, mon Dieu, mon Dieu ! Que vais-je faire ? Je ne sais même pas ce que
je veux ! Je déplore que mon mensonge m’ait valu la perte de son estime, mais
hormis cela, que m’importe ce qu’il pense ? Je serais bien en peine de le dire,
et pourtant, que je suis malheureuse ! Oh, cette dernière année a été désastreuse !
Je suis passée de l’enfance à la vieillesse. Je n’ai pas eu de jeunesse et n’ai
pas connu l’âge de la femme. Tout espoir d’une vie de femme m’est interdit, car
je ne me marierai jamais. Et je n’attends que soucis et chagrins, comme une vieille
femme, ainsi que les peurs qui viennent avec l’âge. Je suis lasse que l’on fasse
continuellement appel à ma force. Pour mon père, passe encore, car le devoir filial
est naturel et sacré. Et je crois que je pourrais supporter la tête haute les soupçons
injustes et impertinents de Mrs Thornton – ou du moins avoir l’énergie d’en
éprouver du ressentiment. Mais il est pénible de penser qu’il se méprend si complètement
sur mon compte. Comment se fait-il que je voie tout en noir aujourd’hui ? Je
ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est que je n’y peux rien. Il faut bien que je
me laisse aller parfois. Eh bien, non, je n’en ferai rien ! dit-elle en se
relevant d’un bond. Je ne veux pas. Je ne veux penser ni à moi, ni à la situation
où je suis. Je ne veux pas analyser mes sentiments. Cela ne serait d’aucune utilité
à présent. Un jour, si je vis jusqu’à un âge avancé, un jour où je serai assise
devant la cheminée à regarder les braises, je réfléchirai à ce qu’aurait pu être
ma vie.
    Pendant tout ce monologue, elle se préparait pour sortir, s’essuyant
les yeux de temps à autre d’un geste impatient, car les larmes ne cessaient de couler,
malgré toute sa vaillance.
    — J’imagine que plus d’une femme a commis comme moi une
erreur regrettable et ne s’en est aperçue que trop tard. Comme j’ai été orgueilleuse
et impertinente en lui répondant ce jour-là ! Je n’avais conscience de rien
alors. Je ne me suis aperçue que peu à peu de mon sentiment, et je ne sais pas quand
il est né. Mais je ne faiblirai pas dans ma résolution. J’aurai du mal à

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