Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
Vom Netzwerk:
vous et vos pareils. Et vous vous figurez que
je vais vous embaucher ? Autant mettre un brandon au milieu des déchets de
coton.
    Higgins se détourna ; puis le souvenir de Boucher lui revenant,
il fit à nouveau face à son interlocuteur et se résigna à la plus grande concession
dont il était capable.
    — Je peux vous promettre, monsieur, de ne pas dire un mot
qui puisse vous faire du tort, si vous êtes correct avec nous ; je vous promets
même que si je vous vois mal agir et être injuste, je vous parlerai d’abord en privé,
histoire de vous avertir. Et si on n’arrive pas à se mettre d’accord sur votre façon
d’agir, alors vous pourrez me renvoyer dans l’heure.
    — Ma parole, vous n’avez pas mince opinion de vous-même !
Vous avez dû être une grosse perte pour Hamper. Comment se fait-il qu’il vous ai
laissés partir, vous et votre sagesse ?
    — On s’est quittés parce qu’on était pas contents l’un de
l’autre. J’ai pas voulu jurer ce qu’ils voulaient me faire jurer, et ils ont pas
voulu de moi. Si bien que je suis libre de m’engager ailleurs, et comme je l’ai
déjà dit, même si c’est pas à moi de le faire, je suis habile ouvrier, patron, et
on peut compter sur moi ; surtout quand j’évite de mettre pinte sur chopine ;
ce que je ne ferai plus maintenant, même si je l’ai fait par le passé.
    — Pour que vous puissiez épargner de l’argent en prévision
d’une nouvelle grève, je suppose ?
    — Non. Je demanderais pas mieux, si je le pouvais ;
mais il me faut subvenir aux besoins de la veuve et des enfants d’un homme qui est
devenu fou à cause de vos jaunes ; qui s’est vu remplacer par un sagouin d’Irlandais
incapable de distinguer la chaîne de la trame.
    — Eh bien, vous feriez mieux de chercher autre chose si
vous avez en tête une intention aussi méritoire. Moi, je ne vous conseille pas de
rester à Milton : vous y êtes connu comme le loup blanc.
    — Si c’était l’été, je prendrais de l’ouvrage d’Irlandais
et je louerais mes services comme terrassier, ou pour la fenaison ou autre chose,
et je tournerais le dos à Milton une bonne fois pour toutes. Mais c’est l’hiver,
et les gamins vont crever de faim.
    — Vous feriez un joli terrassier ! Vous auriez du mal
à creuser en un jour ce qu’un Irlandais creuserait en une demi-journée !
    — Si j’étais capable d’abattre que la moitié du travail
dans le temps voulu, je me ferais payer qu’une demi-journée pour douze heures de
travail. En dehors des usines, vous connaîtriez pas un endroit où on pourrait me
prendre à l’essai, si je suis tellement dangereux ? Je prendrais la paie qu’on
voudra bien me donner, pour nourrir ces enfants.
    — Vous ne voyez donc pas ce qui se passerait ? Vous
deviendriez un jaune. Vous prendriez moins cher que les autres ouvriers, et tout
cela pour les enfants d’un autre. Songez donc à toutes les sottises que vous diriez
au malheureux qui accepterait la paie qu’on lui propose pour nourrir ses propres
enfants. Vous et votre syndicat, vous auriez tôt fait de lui tomber dessus. Non,
non ! ne serait-ce qu’en souvenir de la façon dont vous avez traité les pauvres
jaunes jusqu’à ce jour, je réponds « Non » à votre question. Je ne vous
donnerai pas de travail. Je ne dis pas que je ne crois pas la raison que vous invoquez
pour venir me demander du travail. Je ne sais pas à quoi m’en tenir : vous
pouvez aussi bien me dire la vérité que me mentir. Quoi qu’il en soit, c’est une
histoire peu vraisemblable. Laissez-moi passer. Je ne vous donnerai pas de travail.
Voilà ma réponse.
    — J’entends bien, monsieur. Je vous aurais pas dérangé si
j’y avais pas été poussé par une personne qui avait l’air de croire que votre cœur
était pas complètement endurci. Elle se trompait et j’ai été assez bête pour l’écouter.
Mais je serai pas le premier à se mettre le doigt dans l’œil à cause d’une femme.
    — Dites-lui de s’occuper de ce qui la regarde la prochaine
fois, au lieu de vous faire perdre votre temps, et à moi aussi. Je crois que les
femmes sont à l’origine de toutes les plaies de ce monde. Et maintenant, sortez.
    — Je vous suis bien obligé pour votre gentillesse, patron,
et surtout, pour votre manière civile de me dire au revoir.
    Mr Thornton ne daigna pas répondre. Mais en regardant par
la fenêtre une minute plus tard, il fut frappé par la maigreur et la

Weitere Kostenlose Bücher