Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
Vom Netzwerk:
premier mouvement, Margaret passa devant
lui pour sortir, sans mot dire, et lui fit une profonde révérence pour cacher son
visage et sa soudaine pâleur. Il lui adressa en retour un profond salut, puis ferma
la porte derrière elle. Comme elle se hâtait en direction de chez Mrs Boucher,
elle entendit le bruit métallique du pêne, ce qui lui permit de prendre toute la
mesure de sa mortification.
    Lui aussi était fâché de la trouver là. Il avait encore un peu
de compassion, « un coin de cœur qui n’était pas endurci », pour reprendre
l’expression de Nicholas Higgins ; mais son orgueil le poussait à le cacher ;
il protégeait de son mieux ce point sensible avec de grandes précautions et mettait
un soin jaloux à empêcher qu’il soit mis à l’épreuve. S’il redoutait que ce point
sensible fût exposé, il était tout aussi désireux que personne ne pût l’accuser
d’injustice. Or il avait le sentiment d’avoir été injuste en recevant de façon aussi
méprisante un homme qui avait attendu avec patience et humilité cinq heures durant
de pouvoir lui parler. L’impertinence dont cet homme avait fait preuve lorsqu’il
en avait eu l’occasion n’avait guère d’importance aux yeux de Mr Thornton.
Il ne l’en estimait que plus ; il était conscient d’avoir été lui-même très
irascible lors de leur entrevue, si bien qu’ils étaient quittes. C’étaient les cinq
heures d’attente qui avaient frappé l’esprit de Mr Thornton. Il ne pouvait
lui-même disposer de cinq heures. Mais il avait consacré une heure, voire deux,
de son temps, ne ménageant ni sa peine physique ni son intelligence aiguë et son
discernement pour récolter des renseignements sur l’histoire que Higgins lui avait
racontée, sur sa personnalité et sa façon de vivre. Malgré sa réticence, il dut
reconnaître que tout ce que l’homme avait dit était vrai. Sa conviction alla toucher
comme par magie le point sensible de son cœur. La patience de l’homme, la générosité
toute simple de ses motifs (car Thornton avait appris la querelle entre Higgins
et Boucher) lui firent entièrement oublier les raisonnements de la justice, auxquels
un instinct supérieur le poussa à passer outre. Il venait dire à Higgins qu’il lui
donnait du travail ; et il fut plus contrarié en trouvant Margaret chez cet
homme qu’en entendant ses derniers mots ; car il comprit alors que c’était
elle qui avait poussé Higgins à venir le voir ; et il redoutait d’admettre
qu’elle pouvait être pour quelque chose dans ce qu’il entreprenait, alors qu’il
pensait n’agir que par devoir.
    — C’est elle, la femme dont vous parliez ? dit-il à
Higgins avec indignation. Vous auriez pu me dire de qui il s’agissait.
    — Et alors ? Vous m’auriez parlé plus civilement, peut-être ?
Pourtant, vous avez une mère qui aurait pu vous dire de tenir votre langue quand
vous avez parlé des femmes comme étant la source de tout mal.
    — Bien entendu, vous avez dit tout cela à Miss Hale ?
    — Pour sûr ! En tout cas, je lui ai dit qu’elle ne
devait plus se mêler de rien qui vous concerne.
    — Ce sont vos enfants ?
    Mr Thornton se doutait bien de la réponse, d’après ce qu’on
lui avait raconté. Mais, gêné, il cherchait à détourner la conversation du tour
peu prometteur qu’elle prenait.
    — Oui et non.
    — Ce sont ceux dont vous m’avez parlé ce matin ?
    — Oui, dit Higgins en se retournant avec une hargne mal
déguisée, et c’est alors que vous m’avez dit que vraie ou fausse, mon histoire était
bien invraisemblable. J’ai pas oublié, patron.
    Mr Thornton garda quelques instants le silence avant de
répondre :
    — Moi non plus. Je me souviens de ce que j’ai dit. Je n’aurais
pas dû vous parler d’eux comme je l’ai fait. Je ne vous ai pas cru. J’aurais été
incapable moi-même de prendre à ma charge les enfants d’un autre, s’il s’était comporté
envers moi comme Boucher envers vous. Mais je sais maintenant que vous m’avez dit
la vérité. Je vous prie de m’excuser.
    Higgins ne se retourna pas, ni ne répondit tout de suite. Mais
lorsqu’il reprit la parole, ce fut sur un ton radouci, bien que ses paroles fussent
plutôt rudes.
    — Ce qui s’est passé entre Boucher et moi, ça vous regarde
pas. Il est mort et j’en suis fâché. Ça suffit.
    —  Je partage votre avis. Voulez-vous travailler chez
moi ? C’est ce que je suis venu vous

Weitere Kostenlose Bücher