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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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vous aurais cru plus chauvin.
    — J’avoue que je vois mal ce dont on peut s’enorgueillir
ici. Venez donc à Oxford, Margaret, je vous montrerai une ville dont il y a lieu
d’être fier.
    — Eh bien, dit Mr Hale, Mr Thornton vient prendre
le thé ici ce soir, et il est aussi fier de Milton que vous d’Oxford. Vous devez
croiser le fer, tous les deux, et vous efforcer d’avoir l’esprit un peu plus large.
    — Je ne veux pas avoir l’esprit plus large, merci !
dit Mr Bell.
    — Mr Thornton vient prendre le thé, papa ? s’enquit
Margaret à mi-voix.
    — Il vient pour le thé ou juste après. Il ne le savait pas
lui-même. Il m’a dit de ne pas l’attendre.
     
     
    Mr Thornton avait décidé de ne poser aucune question à sa
mère sur la façon dont elle avait mis à exécution son projet de signaler à Margaret
l’inconvenance de sa conduite. Il était tout à fait sûr que si cet entretien avait
eu lieu, le compte rendu que lui en ferait sa mère ne servirait qu’à le contrarier
et le chagriner, même si, connaissant le tour qu’elle donnerait à son récit, il
faisait la part des choses. Il reculait à l’idée d’entendre prononcer le nom de
Margaret. Alors même qu’il la blâmait, alors même qu’il était jaloux d’elle, alors
même qu’il avait renoncé à elle, il l’aimait éperdument et malgré lui. Il rêvait
à elle ; il rêvait qu’elle s’approchait de lui d’un pas dansant, les bras tendus,
avec une légèreté et une gaieté qui le faisaient la détester cependant même qu’elles
le charmaient. Mais cette vision de Margaret – dépourvue de tout ce qui constituait
la personnalité de la jeune fille, aussi complètement que si un démon avait possédé
son enveloppe charnelle – s’était imprimée de façon si indélébile sur son imagination
que lorsqu’il s’éveillait, il se sentait presque incapable de distinguer l’Una de
la Duessa [90]  ;
et la haine qu’il vouait à la seconde ne paraissait que recouvrir et défigurer la
première. Il était cependant trop orgueilleux pour admettre sa faiblesse en se gardant
de rencontrer Margaret. Il refusait de rechercher sa compagnie aussi bien que de
l’éviter. Afin de se convaincre qu’il était absolument maître de lui, il s’attarda
sur son travail de cet après-midi-là, se forçant à faire chaque geste avec une lenteur
aussi délibérée que surfaite ; aussi était-il plus de huit heures lorsqu’il
arriva chez Mr Hale. Puisqu’il devait d’abord régler des affaires avec
Mr Bell, ils allèrent dans le bureau. Mr Bell, assis devant la cheminée,
se montra intarissable et continua à discourir longtemps après que les affaires
fussent réglées, alors qu’ils eussent aussi bien pu monter rejoindre leurs hôtes.
Mais Mr Thornton, tout en se refusant à dire un mot à cet effet, rongeait son
frein et jugeait la compagnie de Mr Bell assommante, tandis que ce dernier
lui rendait secrètement la politesse et trouvait que son interlocuteur était l’individu
le plus brusque et le plus cassant qu’il eût jamais rencontré. Il se disait aussi
que son intelligence et ses manières s’étaient considérablement gâtées. Enfin, un
léger bruit dans la pièce du dessus leur suggéra qu’il était souhaitable d’y monter.
Ils trouvèrent Margaret devant une lettre ouverte, dont elle discutait le contenu
avec son père d’une façon animée. À l’entrée des deux hommes, la lettre fut prestement
escamotée ; mais l’oreille attentive de Mr Thornton discerna quelques
mots glissés par Mr Hale à Mr Bell.
    — C’est une lettre de Henry Lennox, qui donne bon espoir
à Margaret.
    Mr Bell hocha la tête. Margaret était rouge comme une pivoine
lorsque Mr Thornton la regarda. Il fut saisi d’une envie violente de se lever
et de sortir de la pièce sur-le-champ pour n’y plus remettre les pieds.
    — Vous êtes restés si longtemps dans le bureau que nous
pensions que Mr Thornton et vous aviez suivi le conseil de Margaret et vous
efforciez de vous convertir l’un l’autre, dit Mr Hale.
    — Et vous avez pensé que de nous, il ne resterait plus qu’une
opinion, telle la queue du chat de Kilkenny [91] . Ayez la bonté de nous dire laquelle
a été la plus vivace ?
    Mr Thornton ne savait pas de quoi ils voulaient parler,
et il dédaigna de s’en enquérir. Mr Hale l’éclaira aimablement.
    — Mr Thornton, ce matin, nous accusions Mr Bell
de fanatisme nostalgique en faveur

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