Nord et sud
j’ai dans la gorge, Miss ». Il est vrai qu’à l’exception
de Mr Hale, n’importe quel homme doué d’un tant soit peu de sens pratique se
fût rendu compte qu’en un temps si court, il était difficile de choisir une maison
à Milton-Northern, ou ailleurs du reste, où pourraient être envoyés les meubles
dont il fallait bien débarrasser le presbytère de Helstone.
Accablée par tous les soucis et la nécessité de prendre des décisions
immédiates concernant les problèmes domestiques, Mrs Hale tomba malade pour
de bon, et Margaret se sentit presque soulagée quand sa mère s’alita et lui abandonna
la conduite des opérations. Dixon joua son rôle de garde du corps et resta très
fidèlement au chevet de sa maîtresse. Elle ne sortait de la chambre de celle-ci
qu’en secouant la tête et en marmonnant des phrases que Margaret préférait ne pas
entendre. Car une seule chose lui apparaissait de façon claire et précise pour l’instant,
c’était la nécessité de quitter Helstone. Le successeur au poste de Mr Hale
était désigné ; d’ailleurs, la décision de son père ne tolérait aucun atermoiement,
ni dans son intérêt, ni à quelque autre égard que ce fût. Car il rentrait chaque
soir un peu plus déprimé, après les adieux qu’il avait décidé de faire à chacun
de ses paroissiens en particulier. Margaret, qui n’avait aucune expérience des multiples
tâches matérielles dont il fallait absolument s’acquitter, ne savait vers qui se
tourner pour demander conseil. La cuisinière et Charlotte retroussèrent vaillamment
leurs manches pour débarrasser les pièces et emballer les objets. Ceci dit, dans
ce domaine, l’admirable bon sens de Margaret lui permit de choisir les meilleures
solutions et de diriger les opérations. Mais où devaient-ils aller ? D’ici
une semaine, ils devaient être partis. Iraient-ils tout droit à Milton ? Et
sinon, où ? Tant de dispositions dépendaient de cette décision que Margaret
se décida un soir à poser la question à son père, malgré la fatigue et la tristesse
manifestes de celui-ci.
— Ma chère enfant ! répondit-il. J’ai vraiment eu beaucoup
trop de soucis en tête pour m’occuper de cela. Qu’en dit ta mère ? Que souhaite-t-elle ?
Pauvre Maria !
Mais l’écho que rencontra cette phrase fut plus fort que le soupir
qu’il poussa en la prononçant. Dixon venait d’entrer dans la pièce pour chercher
une tasse de thé à apporter à sa maîtresse. Entendant les derniers mots de
Mr Hale, elle se sentit protégée par la présence de celui-ci des regards lourds
de reproches de Margaret, et elle se risqua à s’exclamer :
— Ma pauvre maîtresse !
— Vous ne la trouvez pas plus mal aujourd’hui ? demanda
Mr Hale en se retournant brusquement.
— Cela, je ne saurais vous le dire, Monsieur. Il ne m’appartient
pas d’en juger. Le mal semble affecter l’esprit beaucoup plus que le corps.
Mr Hale eut l’air profondément affligé.
— Vous devriez apporter à maman son thé pendant qu’il est
chaud, Dixon, dit Margaret avec une autorité tranquille.
— Oh, je vous demande pardon, Miss ! J’étais distraite
parce que je pensais à ma pauvre... à Mrs Hale.
— Papa, cette incertitude ne vous vaut rien ni à l’un ni
à l’autre. Bien entendu, maman doit être très affectée par votre revirement, c’est
ainsi, nous n’y pouvons pas grand-chose, poursuivit-elle d’une voix douce. Mais
à présent, la marche à suivre est claire, au moins jusqu’à un certain point. Et
je crois, papa, que maman pourrait m’aider à prendre des dispositions si vous pouviez
me dire au juste ce que vous comptez faire. Elle n’a jamais exprimé le moindre souhait
pour l’avenir, et ne pense qu’à ce qui est inévitable. Devons-nous aller directement
à Milton ? Y avez-vous retenu une maison ?
— Non, répondit-il. Je suppose que nous devrons loger dans
un meublé et chercher une maison.
— Et faire en sorte que les meubles puissent rester à la
consigne de la gare en attendant que nous en ayons trouvé une ?
— Sans doute. Fais comme bon te semblera. Mais n’oublie
pas que nos revenus seront beaucoup plus modestes.
Ils n’avaient jamais été à l’aise, comme le savait Margaret.
Elle eut le sentiment d’avoir soudain un grand poids sur les épaules. Quatre mois
auparavant, elle n’avait jamais eu à prendre de décision plus grave que de choisir
la robe quelle porterait au dîner ou
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